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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 11-07-2010 à 16:41:26

Restif de la Bretonne rencontre Baudelaire.

Dans l'ombre s'estompe le silhouette curieusement chapeautée par un hibou haut perché, tandis que la cape, aussi longue que le corps le permet, le couvre, l'enveloppe, l'enferme en une sorte d'unité massive qui donne une allure sculpturale au promeneur.
C'est Restif de la Bretonne qui s'est échappé de l'enfer du foyer (une femme acariâtre, des femelles de tous âges s'agglutinent au nom de la famille), et, à pas nobles, fait le tour de l'île Saint Louis dont il connaît les moindres recoins, caressant le parapet qui la cerne comme une muraille le ferait d'une cité (et les bras de la Seine qui l'enserrent en étant les douves), s'arrêtant parfois, et, avec un stylet gravant quelques phrases sur la pierre, aux allures de maximes.
Des fenêtres étouffent les bruits d'intérieur qui cachent leurs secrets. Restif, l'oreille tendue, s'attarde à chaque rencontre (rare en cette heure tardive) pour tenter d'élucider le mystère de toute vie, de tout incident, dont il va nourrir avec l'insistance d'un huissier les mémoires qu'il se plaît à tisser, comme le territoire d'un Paris pittoresque par accident, familier par ambition, périlleux par nature.
Serait-il de la police ? On l'a dit, l'a prétendu. Il se mêle de tout, intervient à tout moment. Il n'a pas la sagesse du hibou s'il a son regard. Fantasque à ses heures il prétendra protéger une grisette pour la mieux séduire, la capturer à l'amour qu'il lui porte et à son désir qui a conservé quelque chose de la naïveté champêtre de ses origines.
Bien des femmes traversent ses pages parfois gentiment égrillardes qu'il compose avec la patience  du moine s'il n'a pas sa servile piété.
Dans l'ombre s'estompe la silhouette, scellée à son hibou. Une autre apparaît. C'est Baudelaire se rendant au club des haschischins  où se réunit la fine fleur de la décadence dont il se fait le chantre. On note l'adresse. C'est 17 quai d'Anjou, hôtel Pimodan.

 

Commentaires

saintsonge le 11-07-2010 à 18:31:12
Votre article arrive au moment même où je ne me suis pas laissé "capturer à l'amour (d'une femelle en chasse)"... Elle était belle, l'occasion, mais j'ai dit : non.

La fustigé-je à la Restif, ou m'en méfié-je, pâle Baudelairiennement...

C'est encore Dame Solitude que j'ai préservé, face à la chair nue offerte de si loin... J'ai dit : - Non.