Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 15-07-2010 à 14:03:03
Piranèse vu par Thomas de Quincey.
Par Coleridge, son ami, Thomas de Quincey prend connaissance de la série des Prisons de Piranèse. Jamais il ne les nomme ainsi, et y voit plutôt un simple phénomène de vertige. Vu d'en bas, ce qui est une bien étonnante et audacieuse manière de le décrire.
On y voit "de vastes salles gothiques" (de fait plutôt antiques, mais l'allusion au gothique rejoint l'esprit des romans "terrifiants" qui prenaient souvent pour cadre d' aventures incroyables, de formidables châteaux forts, des bâtiments qui inspiraient la crainte) et d'y faire une sorte d'inventaire de ce qu'elles contenaient, " toutes sortes d'engins et de machines à roues, câbles, poulies, leviers, catapultes qui exprimaient une énorme force déployée ainsi qu'une énorme résistance vaincue". Pertinente analyse du climat inspiré par ce déploiement de majesté hautaine et d'une incertaine situation historique. Etaient-ce des prévisions de combat (on est alors dans les coulisses) ou, au contraire, le résultat d'une défaite.
Le cadre inscrit dans l'espace (et quel espace !), comme un metteur en scène, il fait entrer le personnage principal Piranèse lui-même. C'est un peu l'équivalent de Dédale visitant le Labyrinthe. Pour en être la victime?
Thomas de Quincey nous décrit alors l'escalier (en fait une envolée d'escaliers) sur lequel (lesquels) Piranèse entreprend de grimper "à tâtons. "Vous constatez qu'il s'arrête soudain abruptement (sur un palier) sans nulle balustrade, n'offrant à celui qui eût atteint son extrémité d'autre voie que les profondeurs béantes". Juste remarque soulignant combien le monde des Prisons est celui des vertiges et des béances, des chutes et de l'obscurité.
Suivant Piranèse dans cette périlleuse ascension dans sa propre création on le déniche dans des hauteurs plus vertigineuses encore "au bord de l'abîme" et prenant un nouvel élan il se perd dans"les hauteurs obscures de la salle".
Précisant enfin que "c'est avec la même faculté de se développer et de se répéter à l'infini que mon architecture procédait dans les rêves". Et des rêves de Thomas de Quincey il y a long à dire.