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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 12-08-2010 à 11:48:45

A l'ombre de la Mythologie

Familier des dieux, il les tutoie dans ses longues rêveries. Ils font parti de son univers quotidien. Il s'avance dans un peuple de marbre. Les promenades dans les jardins sont un prétexte à réviser des leçons d'Histoire. Diane a mauvaise mine ici, et Hercule a l'air furibond, il en a perdu quelques doigts de sa main qui tient une fourche. Les écuries d'Augias sont derrière lui, sous forme d'un bosquet où la nuit des voyous viennent rançonner les promeneurs solitaires et des femmes vendre leur corps. Debout, à la hâte, et sans jamais montrer leur visage.
Il devine le manège et s'en plaint à une Minerve casquée et fière qui borne l'allée alors qu'on le conduit à un succulent goûter, sous les tendres verdures de jeunes arbres qui agitent leur chatoyante ramure au moindre souffle de vent.  C'est là un pieux souvenir de ses sorties dominicales pour se rendre à "La marquise de Sévigné" qui avait,  du côté du Ranelagh, aux abords du bois de Boulogne, une plaisante boutique où était savoureux le chocolat.
Longue encore sera cette alliance ténébreuse des mythes et du réel, la confusion entre ces personnages taillés dans le marbre, offerts aux intempéries, mais braves sous la pluie, et les défilés sombres et menaçant des protestataires qui passent dans la rue en des temps troublés. D'un geste sec, furieux et réprobateur, une femme (sa mère, une servante, une parente, une figure protectrice) ferme la fenêtre qui cherchait sa part de soleil, et la pièce retrouve sa quiétude. Il sera alors condamné à résoudre d'ardus problèmes de mathématique, avec en fond sonore, une lointaine rumeur, les slogans dénonçant des misères dont il ne sait pas grand chose.
La vie pourrait s'entendre à l'infini dans cette absence de toute contrariétés autres que celles sécrétées par le cercle étroit des familiers. Certains se sont complus dans cet air un peu lourd, et confiné, des conforts discrets. Lui sentait frémir dans le secret de son corps  des exigences saccageuses.
L'esprit flotte, distrait, sur des formules apprises, des leçons ânonnées, s'enfuyant vers ces vagues promesses qu'il perçoit, devine, entre les lignes, entre les mots. Venus jusqu'à lui comme un rayon de soleil qui fait son chemin dans d'épaisses brumes, pour chatouiller le visage  d'un dormeur juste éveillé.
Pourquoi  l'éveil appelle-t-il la violence. Il y repensera parfois. Ce sera l'axe de sa vie cette agression contre la ouate venue de l'enfance à laquelle il semblait condamné.
Au delà des murs insonorisés de l'appartement, et ceux du collège, il y a la rumeur du boulevard, ce théâtre de la vie dont il ne sait rien encore et dont il sent les insidieux appels.
Un boulevard ouvert au rugissement des automobiles, à l'errance des badauds.
Dans la seule compagnie des dieux de marbre, il se confectionne une ardeur qui ne demande qu'à jaillir.
photo christian milet

 

Commentaires

saintsonge le 13-08-2010 à 12:27:05
ah , je n'avais pas vu ce joli postérieur !