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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 10-09-2010 à 11:38:09

Valentin et les mots.

Histoire de Valentin  (2).

Le mot cherche l'action. C'est le surréaliste (de la première heure) Maxime Alexandre (à redécouvrir) qui l'assure et formule ainsi une des raisons d'écrire.
Pourtant, écrire ce n'est pas décrire l'action sinon se substituant à elle. C'est l'incarner.
Avec Lautréamont nous avons à faire à un poète en chambre. L'enfermement le définissant, son oeuvre est l'ouverture sur le monde. Chahutée, grandiloquente, outrancière pour ne pas dire à la dimension d'une épopée baroque. Epopée de l'âme ?
Non, épopée des nerfs, de l'imaginaire.
Imaginons, justement, l'homme au travail. Dans sa chambre d'hôtel, 7 faubourg Montmartre. La rue est à la turbulence. La vie s'y presse, s'y écoule, s'y précipite comme le plomb fondu dans la rigole de l'industrie qui le maîtrise.
Encore à s'interroger, est-ce- que l'on peut maîtriser la rue ?
C'est l'avenir de la société qui s'y fait, s'y formule, dans le tobu-bohu des voix, des cris, des gestes qui façonnent une foule, qui sont le plus naturel de ses élans.
Cette rumeur (cette clameur) monte jusqu'à sa chambre, comme la brise de la mer vient bousculer les rêves des marins.
Et Lautréamont de dire :  "je te salue vieil océan".

Lautréamont à la tâche.
A en croire Philippe Soupault il mettait ses phrases à l'épreuve de la musique (en tapant sur un piano des accords virils). Sa préférence le portait à la musique militaire. C'est à dire celle qui conduit le soldat à l'assaut. A sa mort. Avec des éclats  qui sont ceux de la bravoure, peut-être de la vantardise.
Je vois assez bien l'ancien combattant qui aura remisé ses médailles au fond d'un placard, avec les lettres d'amour de sa jeune fiancée, se poster au bord de la cheminée, main sur le manteau de pierre comme sur un char d'assaut, et débitant avec force vantardise les faits et méfaits de son aventure militaire. Il y a toujours du hâbleur dans l'ancien combattant. Il fait frissonner sur sa poitrine ses médailles quand il défile la torse bombé.
Lautréamont ne pouvait être insensible à cette dimension du verbe qui va chercher ses notes les plus hautes, les plus osées dans cet espace où la mort menace.
Il mettait sa vie  en péril, et l'avait mise au point de mourir.
Les mots peuvent tuer.

 

Commentaires

KAFF le 10-09-2010 à 13:33:47
D'accord avec Sorel mais inversement. Comme quoi les mots ne veulent rien dire ! lol
saintsonge le 10-09-2010 à 12:25:57
"Les mots peuvent tuer" , Camus ou Sartre, dans cet écho..., ce me semble.

L'un et l'autre se détestant (sauf l'éloge funèbre final du second pour le premier), ils en usèrent à bon escient ou mal augure...Je méconnaissais l'anecdote du "piano" ( j'use de la voix haute et grave, pour ma part, un clin d'oeil au gueuloir, ici, au 7 de ma rue - pour moi aussi !) Dois-je écirire alors : "je te vénère, Bonne IROISE ?" Et, pour la chambre, un écho de Pascal, aussi....Donc, beaucoup de "monde" en ce billet sur un seul auteur qui mit beaucoup de thèmes en un seul livre : amitiès masculines, beauté, l'océan, le corps, dieu, l'écriture / lecture, les enfants, la famille, l'Humanité, la mer et ses habitants, le sadisme et le vice, pour quelle vertu, sinon la Reine Solitude ? " Reste dans l'ombre, et fournis des élèments à autrui" - "Il n'est pas donné à quiconque d'aborder les extrêmes, soit dans un sens, soit dans un autre...", comme ce Mal d'aurore, une "lanterne rouge, drapeau du vice"...dans son "calme enviable" de la chambre où se trouve Mervyn, qui joue aussi du piano, n'est-il pas ?