posté le 20-09-2010 à 10:34:56
Le corps à corps chez Henry Miller.
Il est de la race de ceux qui ont fait Montparnasse ce haut lieu de l'esprit et de la débauche. Moins désinvolte qu'il y paraît. La bohème n'est pas l'indifférence, sinon aux choses du quotidien, mais plutôt une manière de vivre en profondeur sa propre nature. Ce que Miller fait doublement. Dans sa vie, dans son oeuvre. Alors celle-ci se construit sur sa propre expérience de la vie, des autres et de son corps. Important le corps chez Miller. Omniprésent et porté aux limites de sa conscience et du plaisir qui est le chemin de connaissance. On peut être choqué par le ton de ses livres, et justement "Le Tropique du Cancer" écrit (réécrit) travaillé par Miller, que ce soit Villa Seurat (dans le voisinage de Théodor Frankel et d'AnaÏs Nin) ou à Clichy (qui donnera un autre livre) le boulet rouge éclôt.
Oreilles chastes, éloignez vous. Miller nous promène dans le monde du sexe (c'est le sien) sans précaution ni hypocrisie. Pour être franc, certains pages étonnent, choquent, soulèvent le coeur. Aurions nous le coeur trop sensible, trop pudique ?
Nul romantisme en lui, la vérité est charnelle et impudique. L'anatomie effrontée et sans grâce. Pourtant, il y a de l'amour, surtout quand on sait que derrière le livre (et sans elle il n'existerait pas) il y a sa femme June, femme étrange, fantasque, qu'il a dénichée dans un dancing où les filles se font payer pour une danse. On peut avoir des carnets, comme des chèques restaurants, pour avoir le droit de les coller contre son corps, au rythme de la musique, et palper un corps qui se veut désirable.
Miller n'emprunte pas les chemins les plus suaves pour accéder à la femme, mais ceux, abrupts, de la prostitution. Il y trouve la mesure de son désir. Il en rend compte. Avec une verdeur de ton où l'on retrouve l'amateur de Rabelais. L'insolite nouveauté de son oeuvre c'est qu'elle bouscule la bienséance, et l'hypocrisie bourgeoisie qui règne alors. A le lire de plus près on dépasse la flot ardent de la pornographie qui s'affiche et l'on devine le sage (un peu chinois) qui se profile. Le choc camoufle l'essence même de sa quête plus intime et spirituelle. N'a-t-il pas reconnu, sur lui, l'influence des grands philosophes chinois ?
Commentaires
Au moins, il s'est livré corps et âme, et sans pudeur, dans ses livres (on a déjà "jugé" les miens par trop charnels, voyez, les éditeurs frémissent, ces temps-ci !!! POL aussi !)