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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 10-10-2010 à 14:51:48

Violette Leduc : un livre, une souffrance.

Un livre, une souffrance. C'est au bord du gouffre de sa vie (pour survivre) qu'écrit Violette Leduc. Jamais, sinon dans un Journal (mais le rythme du temps l'étire et la souffrance s'y dilue) on atteint d'aussi près l'insondable du coeur. C'est l'approche maladroite (mais si inspirée et baroque dans les termes et les mots) de cette souffrance qui conduit un être qui se croit laid (l'est-il vraiment ?) et qui donne aux mots (à l'écriture) le pouvoir de l'en sortir.
Violette Leduc partage son mal à vivre avec ceux qui l'approchent, dont elle quête l'amour. On passe du souvenir de Maurice Sachs (on le rencontre dans d'autres livres) à Jean Cocteau, dans sa campagne de Milly la Forêt, mais quelle déchéance que ce vieillard s'endormant après le repas, ou encore le Jacques Guérin si froid dans son luxe et son immense curiosité pour "le monde des lettres". Il saura reconnaître le  talent (et qui dit mieux que le talent) de celle qui lui a confié un texte brûlant : "L'Affamée" et Jean Jacques Pauvert prêtera son nom pour l'éditer luxueusement. Mais deux figures sortent du tableau (comme les donateurs dans les scènes religieuses médiévales), l'éprouvant Jean Genet qui la maltraite, figure énigmatique et créant cette distance qui nous éloigne des statues de dieux barbares, et Simone de Beauvoir, comme une aînée bienveillante qui vous guide dans vos appétits et vous console par sa seule présence. Pour égayer le quotidien dont elle appuie la pesante présence, surgissent des gamins boutonneux, épris de lettres et s'ennuyant dans leurs lycées de provinces (mais que de vocations littéraires sont nées dans cet étouffoir où la prose scintillante d'André Breton, les énigmes de René Char ou les facéties exotiques d'Henri Michaux sont comme une sorte de bréviaire).
Un livre, une souffrance. Ecrire serait-il un long calvaire et toute oeuvre un Golgota!   
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Commentaires

Saintsonge le 10-10-2010 à 16:40:53
C'est justement crier son mal-être ou son bon-heur qu'écrire / crier l'impasse généalogique dans laquelle on a été placé :

- Bâtard(e), non voulu(e), rejeté(e), honni(e), banni(e)

On chasse l'amour justement, n'en récoltant que des miettes, ce que connut la recluse de la rue Paul Bert, surtout quand on écrit sans obtenir aucun succès, même soutenue par "la" Simone - qui lui biffa des passages trop crus à ses yeux blessés du "deuxième sexe" !

C'est le genre de livre que j'ai perdu (par mégarde, ou inconsciemment ?), il y a dans ma ville natale, juste à l'oblique de la gare un café où j'allais tout le temps de ma jeunesse estudiantine, puis quand je travaillais, puis accompagné d'un soutien amical, un café au nom Leducien : Au Faucon !!! étonnant, non ?

Bonne fin de dimanche, 22°c plombent l'automne ici (les pôles ont bien décalé leur magnétisme) : un retour de l'été comme il y a retour d'âge ; des baigneurs septuagénaires , des plagistes de nouveau, des promeneurs et des chahuts d'enfants, des surfeurs, des voileux, mais moi sur le banc à lire "Le rouleau original" de Kerouac ! Il n'y a plus de saison, mon bon ami ! Interne-t-on "la folie" humaine, qui fait chavirer tous les calculs de Dieu ? Je ne sais plus repérer le bon rythme régulier des saisons, l'équateur a bien varié son écliptique !