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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 16-10-2010 à 12:25:41

Balzac vu par Baj.

Grand admirateur de Jarry, Baj ne pouvait regarder Balzac sans les associer. Non dans le déroulement de l'oeuvre, titanesque chez Balzac et collée à la réalité, mais dans l'apparence physique de l'auteur de la Comédie Humaine qui évoquait celle d'Ubu. La ressemblance s'arrête là. Balzac victime de sa propre puissance au travail (l'abus de café et les nuits d'écriture) n'avait rien du dandy (sinon le goût des colifichets incarnés par sa fameuse canne), et, vêtu de sa robe de bure pour ses nuits laborieuses, il ne cachait rien de sa corpulence qui n'était pas celle de la suffisance mais de la gloutonnerie qui le caractérise tant devant la table du restaurant que le modeste petit bureau que l'on peut toujours voir dans sa maison de Passy.
Ubu incarne le ridicule (et la méchanceté) Balzac fustige le ridicule de ses personnages, et il n'est pas toujours tendre avec eux.
L'un révolutionne l'art d'écrire, non sans sophistication, qui le rend parfois d'accès difficile, l'autre construit une oeuvre avec de vieilles recettes mais en maçonnant avec vigueur un matériau auquel il redonne une vitalité perdue dans l'usage. Il ne craint pas le pire des procédés : retrouver la dynamique du roman feuilleton (il est de l'époque d'Eugène Sue, d'Alexandre Dumas), il construit un monde depuis le décor (la passion pour les objets, l'ameublement, non sans prodigalité et quelques erreurs de goût) jusqu'aux personnages auxquels il donne une si forte identité qu'ils circulent d'un livre à l'autre comme dans leur territoire, conquis.
Jarry c'est une principauté raffinée, pleine de secrets, avec ses codes, ses légendes, ses complicités ;  Balzac c'est un continent. Le regard du géographe remet chacun à sa place.