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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 21-10-2010 à 15:39:10

Soutine vu par Modigliani.

C'est bien le miracle de l'art qu'il façonne à son gré ce qu'il montre. Le peintre se révèle à sa manière de dire le monde, et l'art du portrait le prouve avec une force extraordinaire. Modigliani qui le pratique avec constance, entraîne ses modèles dans son monde, et sa manière même de les imposer en dit bien plus sur lui que sur eux.
Pascin, face à Modigliani, donne un Modigliani, très typé dans sa tranquille épure des lignes qui cerne le corps, font apparaître le visage, et c'est bien un étrange paradoxe que Pascin devienne un Modigliani,  c'est à dire une oeuvre en totale contradiction avec son art propre, tout de véhémence, de matière brutalisée. Qu'aurait été un portrait de Modigliani par Pascin ? Une coulée fiévreuse de couleurs, une levée angoissante de formes où le visage se perd dans sa difficulté d'être, car, sans doute, ce que prouve l'exercice ici, c'est que le peintre se sert de son modèle pour dire sa propre pensée, son état d'âme.
Un portrait de Modigliani, même transcrit dans la peinture (on sait qu'il en dessinait beaucoup, à l'arraché et jouant la synthèse), reste un portrait dessiné, strict quoique nimbé d'une certaine tendresse, peut-être une once de mélancolie.

 

Commentaires

Saintsonge le 23-10-2010 à 14:42:03
Sur grand écran depuis la médiathèque de douarnenez, ce détail est encore plus troublant que sur mon PC riquiqui d'où pourtant cela m'avait littéralement "sauté" aux yeux, comme plus superbe aussi votre fond d'écran ; ravi que j'aie pu éveiller votre "interrogation"....
sorel le 23-10-2010 à 10:52:41
je trouve cette remarque particulièrement pertinente. Elle me donne à réfléchir.
Saintsonge le 21-10-2010 à 17:03:56
Je remarque ce détail surprenant qui se voit aussi dans " Le Retour du fils prodigue" de Rembrandt : une main féminine pour une masculine, avalisez-vous ?...

Il reste en nous des choses inouïes, inconscientes, qui se réveillent ainsi par l'art ou par des débordements d'esprit que Rimbaud signifiait en "dérèglement de tous les sens", un violent coup de sang à la Soutine chez tous ceux qui semblent vivre en un corps sexué qu'ils n'ont pas ! Ce trop de "tendresse"-sagesse cache une violence....boudée ! Non ?...