Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 27-10-2010 à 15:46:19
Degas au bordel.
Passant de la salle de spectacle au bordel, du Moulin Rouge à l'établissement de la rue des Moulins, Toulouse-Lautrec lève le masque. Le même visage, ici tiré par la vivacité de la musique, le chant et le souci de plaire, est, là, avachi par la fatigue, donné sans effort, et sans espoir.
Ces Dames au salon sont un spectacle par leur seule présence, filles perdues, filles données (vendues). Elles ont mis toute la théâtralité de leurs promesses dans la manière de se dénuder.
Dans le vêtement, en ses détails salaces, provocateurs, le corps se redessine derrière cette découpe vestimentaire qui joue pour beaucoup dans son prestige et le plaisir qu'il annonce. Il est, du même coup, paré pour la fête. Dans la nudité il s'abandonne à ses propres faiblesses, à sa vacuité, à ses débordements de solitude, de prostration, de vieillissement prématuré.
La vision de Toulouse-Lautrec ne va pas vers l'éclat, le panache et la gloriole, mais vers l'affaissement , l'évidence du corps dépouillé de sa flamme intérieure. Un corps sans désir, et disponible. Mais distancié de ce que l'on attend de lui. Ce sera une gestuelle amoureuse mais strictement asservie aux élans du sexe. Les filles exposées sont "les bonnes à tout faire" des dépravations les plus honteuses de leurs clients. Et elles l'affichent avec une lassitude effrontée.
Un lieu de plaisir n'est que celui du spectacle qu'on y donne, mais ses coulisses attirent le regard des voyeurs.
Edgar Degas dont la misogynie n'est un secret pour personne se plaît à saisir le corps de la femme dans ses moments d'intimité, et ceux où elle se livre aux soins du corps. Il donne la version vulgaire, voire acide et dévastatrice pour l'idéologie romantique, du corps dans le temps du bain.
Toutes les Diane de la peinture traditionnelle sont de fraîches jeunes filles qui vont se mirer sur les bords d'une eau claire et heureuse. Elles ont le corps élastique des sportives. Les femmes à la toilette de Degas (ferme au bidet) s'accroupissent, et les plis de leur corps s'accuse, dessinant des silhouettes monstrueuses. On a évoqué des batraciens au vu de ces femelles réduites au seul poids de leur corps, se frottant, se léchant comme des animaux. C'est le corps en béance et pesant de toute la souffrance qu'il ne peut cacher. Un corps sans masque. L'espace des Mythologies lui est interdit;
La même, au bordel, n'est plus qu'un corps perdu. Chassé du paradis il ne pouvait en être autrement.
Degas ouvre ainsi le chemin d'une vision douloureusement réaliste qui va déboucher, avec le cinématographe, sur l'espace impitoyable de la pornographie.
Extrait de "La femme flambée de la Sainte-Vierge à Brigitte Lahaie".
Commentaires
coucou, j'aime beaucoup les roses , et je souhaite faire partager les beaux massifs pour ceux ou celle qui voudrons faire leurs massifs avec de différent modèle ,bonne après-midi,bisous
Tiens, ce Degas-là se cachait si bien que je ne le reçus pas en "message de réception" ! Il me fait songer aux prostituées de Romain Gary, le temps aussi, d'ailleurs, puisque l'aube du jour promettait d'être belle, qui s'annonça douce, puis la pluie fine régulière de tout le matin eût refait dire à Lady L. :" le parapluie a des manières" ; que sont ici les mistouflettes de ces "perdues" / et "données" ?..., vulvettes, clopinettes légèrement croquées" ?..
L ' humanité est restée pareille, depuis la citation d'Ajar / Gary and Co : "frigide, détraquée" , vous ne trouvez pas ?... Moi si, il nous manque fraternité , Amour, voire Dieu lui-même, au dépassement de nos limites que seul encore l' Art , de première nécessité, peut "sauver"... Du nu, du cul, et de la sagesse aussi...! Pour l'équilibre des forces et des données...!