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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 28-10-2010 à 15:37:03

L'Immaculée Conception en figure d'icône

Peut-être en manière de souvenir.

L'ombre s'y étend, avec des odeurs entêtantes d'encens. La chapelle de l'établissement est un espace totalement clos sur la piété qu'il est censé inspirer. Privé, réservé aux seuls pensionnaires, et inséré dans l'architecture quasi militaire qui régit la vie quotidienne. Au même titre que les salles de classe, quoique plus monumental, et vaguement décoré (mauvais goût) mais participant étroitement à la vie de ceux qui apprennent ici, avec une égale ardeur, la géographie du monde, les lois de la science et des mathématiques, les plaisirs savants du grec et du latin, et la grandeur de Dieu qui domine tout ce savoir.
Pourtant, à un Dieu un peu dépouillé de toute figuration (sinon quelque vague barbu) on y préfère la femme qui incarne la précieuse virginité dont on fait l'axe d'une vie, d'une mission, d'un exemple.
La Vierge au visage multiplié, aux attitudes douces et maternelles, reconduites d'oeuvre en oeuvre, dont est pleine l'histoire de la peinture et qui compose, dans l'esprit des jeunes esprits appelés à la rejoindre dans la prière, une sorte d'étrange musée aussi fortement féminisé que désexualisé. Même la femme peut-être une abstraction.
Alors que les livres d'Histoire ancienne sont pleins de fornicateurs, entraînés dans de sombres drames domestiques qui se transforment en mythes, l'Histoire religieuse telle qu'elle est décrite, est largement dominée par l'unique figure d'une femme qui a enfanté sans fauter, et berce son enfant avec des grâces infinies qui ne disent pas la peine qu'entraînent les premiers pas d'un bébé.
La découverte de l'Immaculée Conception prenait d'autant plus de relief qu'elle avait pour cadre cette sombre chapelle où le claquement des sièges à bascule résonnait sous une ample voûte étoilée et que la grandeur avait simplifiée.
Elle est une image froide dans un lieu austère et dépouillé, car nul n'y doit rêver. Tendu par la prière, à la recherche d'une grâce qui ne tient qu'à la bienveillance de celle qui, dépourvue de tout relief, de toute vraisemblance humaine, résume la situation éthérée, de félicité intemporelle à laquelle est promis celui qui entreprend de la mériter.
Une Vierge si peu inspiratrice de pensée humaine qu'elle chasse de l'esprit toute ombre au profit de cette transparence lumineuse qui a des allures d'apparition.
Le thème de l'apparition revient fréquemment dans les légendes dispensées par l'Eglise du XIX° siècle. Elle implique la contemplation dans l'extase d'une âme fraîche et naïve. L'enfant est un récipiendaire privilégié.
Mythe moderne, l'Immaculée Conception avait pour cadre un lieu qui lui était contemporain, ne répondant pas aux beautés innocentes et inspirées de l'architecture des temps illuminés des cathédrales.
A de tels monuments ouverts à la lumière il fallait des images somptueuses moins par le luxe qu'elles déploient qu'une intelligence subtile du contenu, des rapports vivants avec le monde de la réalité. Comme la cathédrales participe étroitement à la vie communautaire, au rythme du quotidien de ceux qui la fréquentent, et placent leur ville sous sa protection, la Vierge qu'elle contient (honore) qu'elle célèbre parmi d'autres signes distinctifs de la force de l'Eglise et de ses bienfaits, de ses promesses et de ses rêves, se pare des habits de la mode du moment. Elle est la contemporaine de ses concepteurs, de ses fidèles, de ceux qui la reconnaîtront comme leur bienfaitrice, l'idole sacrée de leur vie intérieure et de prière.
Frileux, dans la froide atmosphère d'une banale chapelle à peine moderne, nous abordions une idée de femme transparente et fade comme une eau bénite, aux gestes dénués de toute complaisance à notre égard tant elle semble irradier sa propre sainteté au seul but de sa gloire.
De tous les aspects donnés à la Vierge, celui de l'Immaculée Conception n'a jamais inspiré une représentation émouvante. De conception tardive, dans le climat d'une Eglise qui se cherche un langage édifiant pour des âmes simples et brisées par la réalité, l'Immaculée Conception est moins femme qu'une imprécise apparition standardisée, sans plus de relief que les pin-up découpées dont les camionneurs aiment à orner la cabine de leur véhicule.
D'un usage semblable quand elle se fige dans des images que l'on glisse dans un Missel comme un marque-page. Aucun peintre de qualité n'aura jamais réussi à donner un sens à un concept défiant toute vision humaine de la religiosité, dénué de toute chaleur, et manquant singulièrement de chair.
Ce ne sont que de fades images où les élans mystiques se cassent la plupart du temps. Simple signet dans un missel, jauni aux angles et froissé au constant contact des doigts encore ensommeillés qui suivent le rythme de la prière avec encore le poids des rêves de la nuit. (Parfois si éloignés de ces simagrées de piété).
Lumineuse et voulue telle, cette Vierge figée en "enluminure atroce" brade la ferveur au nom des habitudes.
Prière matinale, regards absents. L'image est pourtant inscrire en ceux qui la pratiquèrent.
C'est bien le ressort des images muées en icônes qu'elles ne sont plus que cet éveilleur d'une image intériorisée qui s'active en nous.
Il faudra s'en souvenir relativement à la pornographie

Extrait de "La femme flambée de la Saint Vierge à Brigitte Lahaie".

 

Commentaires

Saintsonge le 29-10-2010 à 16:46:30
J ' irai voir, dans la mesure où ma connexion revient : plus rien , cette fois, c'est la technologie qui a sa part maudite : plus de téléphonie ni d'internet ; suis revenu vous lire en médiathèque de douarnenez....

Oui, Dirck BOUTS (mais polar dans le monde de l'art me semble curieux, je pensais au peintre, n'est-il pas ; à moins qu'un romancier "noir" le cite...)
sorel le 29-10-2010 à 14:25:06
Dirck Bouts dites vous. Il le semble que vous pouvez le rencontrer sur ce blog, dans de lointaines incursions. Je ne sais plus moi-même où. mais en clinquant sur Album on doit pouvoir le retrouver. Il me semble me souvenir que c'est à propos d'une sorte de polar dans le monde de l'art. Ce fut à la mode il y a quelques années et j'aimais bien les lire en prenant les distances qui conviennent.
Saintsonge le 28-10-2010 à 18:58:44
Anatole France l ' ancra dans sa "pierre Blanche" : " Sainte Mère de Dieu, vous m'avez connu sans péchés, accordez-moi la grâce de pécher sans concevoir", ce qui répond aussi, vous absolvant de "votre Degas au bordel", avec minutie et juste équilibre des forces contraires qui nous font chuter ; Le Maître de l' Annonciation d'Aix, école de Provence, vers 1445 (église de Sainte Madeleine) est-il mentionné dans cet ouvrage dont vous relevâtes certaines "peaux" déjà ?.. L'Annonciation de Champaigne (école Franco-Flamande) est très pure autant que somptueuse (Londres, collection Wallace).. Là, vous me surprenez fort agréablement... A en verser une larme tel en un Dirck BOUTS... Quelle Mère nous soutient-elle au mieux, en prière : Mater Amabilis, Mater Dolorosa, Regina Coeli ou la simple Ave Maria ?...