Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 30-10-2010 à 10:56:03
Proust et les catins.
Revenir à Proust. Rencontrer Odette, Albertine, à côté de la duchesse de Guermantes qui incarne la façade mondaine d'une aventure de passion qui se glisse dans l'espace de la mondanité comme un vice dans la conscience vierge d'une âme maîtrisée et fière.
La vie nocturne de Proust n'est pas que celle d'un labeur dont les paperoles sont les témoins, les copeaux d'une rude menuiserie. Mais Proust est plus un fin ébéniste des ressorts de l'âme qu'un vulgaire fabriquant de meubles standards (maints de ses contemporains..) On lui connaît des équipées glauques, mais le salon n'est pas loin de l'établissement de bains. Il y promène la même silhouette épaissie par les pelisses et les onguents qui transforment son visage en une sorte de masque terrible.
Et c'est bien parce que la femme y est grimée en garçon (ou le contraire) que la flamme est plus ravageuse.
On l'imagine assez volontiers papillonnant parmi les muses en satin, frissonnantes et parlant derrière leur éventail, comme l'a imaginé Jean Béraud qui promenait son pinceau galant et narquois, bavard et consciencieux chez les duchesses qui exhibaient des pianistes aux poumons menacés, et jouaient avec des grâces infinies, des sonates inachevées. On est dans une société si perfidement construite et si fatiguée qu'on y est talentueux à la mesure de l'épuisement que l'on trahi, que l'on porte en bandoulière.
La raideur du maintien mondain (renforcé chez les hommes par le smoking), les silhouettes gainées de soie, altières et fières fleurs de vanité, entrent dans le jeu, camouflant les débordements d'un imaginaire qui se retient, se craint et se censure.
Alors que le moyen-âge accomplit ses débordements jusqu'à la folie, que le XVIII° siècle l'affine par l'intelligence, le XIX° se glisse dans des vertiges sur la pointe des pieds, le plus élégamment chaussés. On laissera au XVII° le luxe de se donner du panache et de projeter au sommet du royaume une fille née en prison, épouse d'un poète boiteux et malformé, qui par l'intrigue et la flatterie se glissera dans la couche de son roi. C'est bien l'image d'une époque où tout est possible par le biais de l'intelligence, la maîtrise du verbe et l'application scrupuleuse des rites qui conduisent le monde pour l'élever à cette grandeur que l'on enviait aux dieux de l'Olympe. Versailles n'est-il pas l'Olympe des flatteurs, dont Saint Simon est l'Homère.
La "fin de siècle" en est l'écho. Coincé entre pudibonderie et stupre. Quand les filles "nées dans le caniveau" font leur fortune dans les couches des ducs constellés d'armoiries flamboyantes et de financiers lourds et cupides. L'argent règne quand le roi n'est plus là, mais l'esprit des courtisans est le même et le pouvoir de la femme électrise une société étouffée de conventions.
Commentaires
Depuis la "guerre du feu" , je pense que que l' intelligence humaine est en butte avec la culture d'une époque qui lui permet ou "interdit" (il est interdit d'interdire hurlèrent les soixanthuitards qui crurent faire une liberté sexuelle qui ne se voit meme pas encore (je ne classe pas la pornocratie/graphie dans du sexuel), tout l'entregent perdu dans un entrejambes osé dont l'alliance des deux chairs trouble encore les moeurs et les cervelles grises, bloquent les élans naturels (hors reproduction basique du "missionnaire") et les allants inventifs : le sexuel offert des catins me l'a prouvé quand une fois, à Lille, une fut bien embêtée de me dire : excusez-moi, comment fait-on, vous êtes mon premier (client), je fais ça uniquement pour élever ma fille (nous étions en 80 !) LA CHAIR n'emballe pas facilement LES SUJETS de chair... La chair de l'écriture vaut mieux à Proust (et aux écrivains) qu'une chaire de professeur de Littérature libertine (des troubadours à SADE, et au-delà, jusqu'à nous...) Votre article m'a ....néanmoins emballé !