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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 31-10-2010 à 11:37:07

L'écriture brûlée.

Louise Labé.
A son actif, trois élégies, vingt-trois sonnets, et un surnom : "La belle cordelière". Est-ce une oeuvre ? C'est un exemple.
Louise Labé fut une jeune fille accomplie, doucement mêlée à la vie ordinaire des gens de son temps, parmi les siens reconnue pour sa grâce et ses talents de société. Ecrire pour se plaindre ? Pour être ?
"O beaux yeux bruns, ô regards détournés,
O chauds soupirs, ô larmes épandues,
O noires nuits vainement attendues.
O jours luisants vainement retournés,
O tristes plaints, ô désirs obstinés,
O temps perdu, ô peine dépendues,
O mille morts en mille rets tendus,
O pire maux contre moi destinés...."
 Pourtant, de trop de grâce épandue elle suscite la jalousie , reçoit en bouquets serments de ses admirateurs et le mépris de son entourage qu'irrite cette force tranquille qui séduit et ravage autour d'elle. Adulée mais trahie :
"O coeur félon, ô rude cruauté  / Tant tu me tiens de façons rigoureuses / Tant j'ai coulé de larmes langoureuses / Sentant l'ardeur de mon coeur tourmenté".
Faire parler son coeur n'est-ce- pas se mettre à l'unisson de l'univers. La surprise naissait du simple fait que ce fut une femme bien située dans son monde, qui parlât si fort et si bien des émois profonds qui agitent les âmes les plus fortement engagées  dans l'aventure frissonnante de leur pleine vie. Une vie au large du corps, mais par lui contrainte, et par lui dirigée ; par lui soumise et contre lui révoltée. Il n'en naît qu'un sentiment de douleur, de colère, des aveux déchirants.
L'inconstance n'est pas le prix d'un défi ou d'un refus. Une sorte de fatalité plutôt comme l'incapacité de fonder un foyer, cimenter des relations durables, stables et positives, même dans l'amour.
autre exemple:
Celle qui domine la vie de Middleton Murry et de Katherine Mansfield se coud et se découd dans une alternance de fuites et de replis, d'étreintes désespérées et d'appels discontinus, dans un désordre géographique entre Londres et Bandol, la campagne anglaise et le Paris de Francis Carco, pour finir sous les hêtraies de la forêt de Fontainebleau dans le cadre d'une secte où elle cisèle sa propre mort.
L'oeuvre s'accomplissant  dans la complicité et la reconnaissance d'un minuscule groupe d'amies, dans la va-et-vient de logis de fortune et les pensions de famille, au point de devenir le sujet d'un de ses livres. Une oeuvre atomisée, faite de minuscules choses, comme ramassées dans le désordre de la vie, sauvées d'un grand désastre, existentiel. Quand une oeuvre cohérente a besoin de stabilité, de l'ordre d'un véritable atelier ou d'un "laboratoire". Celle de Katherine Mansfield relève de la pratique du Journal ou de la correspondance. Par bribes, lambeaux qui sont sous sa plume délicate de véritable bijoux, des petites lumières plantées sur l'itinéraire chahuté de la vie, dans cette approche somnambulique vers la mort annoncée. Tout le monde s'accorde à vanter sa grâce, cette légèreté du corps, cette allure de chat. Mais la maladie cachée fait son travail. "Mais dans sa poitrine
demeurait encore ce point brillant, brûlant, d'où partaient ces averses de petites étincelles. C' était presque insupportable. Elle osait à peine respirer de peur de l'attiser, et cependant elle respirait profondément. Elle osait à peine regarder dans le miroir glacé, mais elle y regarda tout de même et il lui rendit l'image d'une femme radieuse, au sourire tremblant, aux grands yeux sombres et qui semblait écouter, attendre que quelque chose arrivât, qu'elle savait devoir arriver. ........infailliblement"
Dans une errance croisée avec celle du magique D.H.Lawrence, et parfois aux horizons immédiats d'une Italie de douces collines et de pampres délicats, Katherine Mansfield s'échoue dans l'ultime espoir de fortifier un corps qui avait la transparence d'une silhouette dans le décor de caravansérail d'un ancien Carmel de madame de Maintenon : c'est le Prieuré à Avon, proche de Fontainebleau. Exposée au grand air pour répondre aux principes curatifs du maître des lieux, un extravagant, oscillant entre le gourou et le charlatan, elle sombre. Brûlée de l'intérieur.

Extrait de "La femme flambée de la Sainte-Vierge à Brigitte Lahaie"

 

Commentaires

Saintsonge le 01-11-2010 à 10:31:12
Je ne sais mais en tout cas j'ai pris très au sérieux votre "avertissement face aux jeunes filles (en fleurs ?) qui sont allées en Rolls à l'école", l'une venait de me briser le coeur qu'une autre m'arrive (et, déjà j'entends ma mère m'en tenir idoine alarme !), au grand dam de mon charme - du latin charisma - s'en étonner (puisque ne bougeant pas physiquement, tout s'électrisant virtuellement) ; petit garçon , déjà, à l'école, elles venaient me réclamer des pô-aime-moi (alors qu'elles avaient copain au bras, déjà...!)

Benedictus qui venit in nomine Domini Omnia in excelsis / Agnus Dei qui tollis peccata mundi miserere nobis / Agnus Dei qui tollis peccata mundi dona nobis pacem

Pacem (à vous) !
sorel le 01-11-2010 à 10:08:53
Dois-je dire heureux homme dont les mots sont si convaincants qu'ils attirent vers lui les lucioles qui hantent les jardins...
Saintsonge le 01-11-2010 à 08:49:41
Rajout 2 : mais, figurez-vous, qu'elle a pris la résolution de quitter pour trois jours , trois nuits, sa campagne parisienne afin de venir jusqu'à me voir , la joyeuse intrigante qui me surnomme "bel ami !"

- Holà !

Votre avis ?.........
Saintsonge le 31-10-2010 à 16:48:16
Rajout : effet curieux de la synchronicité , au moment où je vous évoque Maupassant dans mon commentaire de ce matin, la dragueuse romantique et promeneuse des quais et jardins parisiens m'appelle maintenant "bel ami", ce qui me sied, j'en suis fort aise...., évid'amant !!
Saintsonge le 31-10-2010 à 12:39:03
Vous m'évoquez un problème d'informatique à quoi je vous ai répondu, j'ai de mon côté vos articles récents qui ne m'ont pas été mentionné en réception (comme si la grève d'un postier virtuel râlait pour sa "retraite" aussi, ne passant plus !)... Mais j'ai grand'plaisir à venir seul sans y être averti d'un billet de nouveauté.

Le BON dimanche de TOUS les Saints (sans All Hallow's eve...)
Saintsonge le 31-10-2010 à 12:34:05
Louise Labé. Ah, je souris d'aise. Louise Labé. Voici une poétesse qui fut mienne amie, si je puis dire, au Lycée des Flandres, jeune hazebrouckois que je fus (bêtement placé d'office aux études comptables, quand mes vœux allaient vers le Bac Littéraire , et, tous contrecarrés violemment, violemment de mes crises de nerf rejoindre ses tremblements à elle qui disait :" tout à un coup je ris et je larmoie / et en plaisir maint grief tourment j'endure..." ; j'étais seul avec moi-même, le disant).. Ah , Louise Labé, j'ai noté au crayon de bois sur un de mes exemplaires : "appelée La Belle Cordière", alors, je souris d'aise puisqu'ici vous nous le redites !!!

Tout est pris, repris d'un sens plus vulgaire en nos temps s'il faut murmurer à une oreille complice : "Baise m'encor, rebaise-moi et baise...", n'est-il pas ! Plus de paume entendue dans le jeu d'un baise mains !!! Hélas, maintes fois hélas.....