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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 05-11-2010 à 09:47:57

Femme au café.

Dans le prodigieux catalogue féminin dont Degas fait un large usage, les repasseuses ouvrent au regard un monde jusqu'alors peu exploré. La femme du XIX° siècle y est dans sa condition pitoyable, présentée non plus comme un objet de désir, mais une féminité brisée, soumise aux terribles lois de l'économie, du progrès qui l'a abandonnée aux basses besognes, aux offices, quand ses soeurs jouent les Nana dans les alcôves, dépouillant les hommes pour se venger.
La femme se flambe aux désespérances qui la conduit, doucement, vers la lutte sociale avec, passage obligé, les stations dans l'enfer du quotidien.
Le modèle de "l'Absinthe" de Degas est un personnage identifiable, connue par le peintre, qui a posé pour représenter moins sa propre histoire qu'une situation alors toute nouvelle. Jusqu'alors la femme ne fréquentait pas le café, sinon faisant étalage de sa condition de "fille de joie" dont le nom correspond si mal à sa propre vie.
"L'Absinthe" est une page de la vie moderne. Avec le café comme territoire de toutes les solitudes, des errances, des rendez-vous manqués avec le destin. La femme, avec son regard vague, de noyée, s'est brûlée aux feux de l'alcool.
Elle est une sorte d'image (icône) en réponse aux beuveries solitaires, de son contemporain Verlaine, noyant ses peines d'amour, ses fâcheries avec l'insupportable Rimbaud, dans les cafés du Boul'Mich où il se forge une silhouette de légende sur son propre échec, sa propre déchéance.
L'époque est aussi aux femmes chutant dans la clochardisation. Elles apparaissent  furtivement dans la littérature qui se veut moralisatrice, comme des repoussoirs. Sortes de version urbaine de la sorcière des contes de fées. Inspirant la terreur.
"L'Absinthe" est le seuil de cette quête à rebours, conduisant de la solitude à la mort solitaire. La femme s'est consumée, brûlée en dedans, par la cruauté de la société qui l'a rejetée.

Extrait de "La femme flambée de la Sainte-Vierge à Brigitte Lahaie".

 

Commentaires

Saintsonge le 05-11-2010 à 12:23:40
AH !!!! La "fée verte"... Je me suis Whishysé une partie de ma trentaine, Verlaine/Rimbaud dans la mémoire... J' eus ma "fée ocre-auburn" en parallèle de "débauche" dans le fond des Cafés parisien-lillois-douarneniste, jusqu'à cette vie abstème d'aujourd'hui, depuis 1996..

A Bois-Colombes ai connu deux "Nana" en un seul soir, qui m'amenèrent jusqu'à chez elles, pour la nuit blanche ; elles ne lésinèrent pas sur leur "absinthe" non plus !!