VEF Blog

Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 09-11-2010 à 17:16:03

L'alcôve de Fragonard.

Dans l'alcôve.
Fragonard, qui les fréquentait, y lutinait les filles faciles, arrachées avec de grands rires à leurs taches ménagères et précipitées sur des couches moelleuses où elles aimaient à s'attarder en jouant avec leur chat. C'est le règne de l'alcôve.
D'un pinceau aussi leste que le trait d'esprit que souvent il traduit, la cascade du rire et les caresses légères et sans conséquence, l'instant bref d'un plaisir partagé et sans péché, Fragonard croque des femmes d'une innocente impudeur, d'une tranquille et insouciante audace à jouer avec leur corps.
Il est comme une plante frémissante aux rivages d'une eau calme mais bruissante à l'approche d'une barque. Dans ce climat si charmant de plaisir où une idée de campagne traîne toujours avec le ingrédients de la ville, les lumières de soupentes, les rumeurs proches de la rue, les portes qui battent et que l'on ferme d'une main aérienne et preste pour mieux saisir  comme une proie un corps qui s'offre sans trop de résistance.
Maître en la matière Fragonard invente des personnages que l'on dirait sortis, de Marivaux ou des pages bucoliques  de Bernardin de Saint Pierre. Avec cette impertinence que partagent alors les gens bien nés et ceux qui remuent à la base et, bientôt, vont brandir les fourches de la Révolution. Car on est dans une société où s'effondrent les barrières jusqu'alors bien tenues par les donneurs de morale. On refuse la morale, on se livre sans calcul à ses instincts. On est léger et imprévoyant, comme entraîné dans une folle aventure. Pris de vertige.
L'alcôve est ouverte, elle ne se refermera pas. Cherchant progressivement ses personnages. Ceux qui sortent, encore sanglants des désordres révolutionnaires.
Ils se dresseront dans une feinte dignité au nom de l'Empire.
Madame Récamier est bien au carrefour de cette volupté et de cette rigueur en retour, au nom de l'intelligence et de la volonté du paraître gagnant toute société qui, sortant de la fange, se doit de se draper de dignité.
Rôle difficile à tenir et qu'elle endosse au nom de l'esprit dont elle fait grand cas.
Le XIX° siècle finissant ne l'oubliera pas qui n'aura plus besoin de jouer la dignité mais cultivera à son tour l'esprit, et l'humour de surcroît.
Nina de Callas, telle que le voit Manet dans "La Femme à l'éventail", est bien de celles qui mènent salon, le sien marqué par la bohème, le passage intempestif de génies agités par le vent d'un penser nouveau, de Charles Cros à Verlaine.
On s'agite encore dans les alcôves où la volupté n'est plus la seule monnaie d'échange. On y doit aussi cultiver la contestation, l'attentat aux bonnes moeurs. La société secoue les générations de rigueur consentie, de pesante réserve (celle du Premier Empire), elle fait feu de tout bois et éclate en morceaux. Les jeux de l'amour ne sont plus dictés par Marivaux, mais Guy de Maupassant, avec une pointe de cynisme, une froide lucidité. On se fait des masques à l'humeur du moment.  Il découvre la violence de la modernité.







 

Commentaires

Saintsonge le 09-11-2010 à 17:40:58
Joli huis, ah que je le devine, ce joli huis, mon ami !.. Tenez, on pourrait la croire Satane femelle, tout comme dans la "prairie parfumée, du cheikh tunisien Sidi Mohammed Nefzaoui du XVème : "elle se coucha, dénuda ses cuisses, sa partie chaude, et se mit à me présenter celle-ci en se la secouant. Je regardais l'appareil. Voici que l'huis s'entrouvrait et se fermait comme celui de la jument en chaleur lorsque s'approche d'elle l'étalon..."... Il faut donc toutes les "combler" autrement que de "façon complète", désormais...C'est bien le cycle du "toujours plus" ou de l ' "encore" davantage Lacanien afin de ne plus entendre dans les "alcôves" : "la femme n'existe pas" !..."Lire, aimer, haïr" ?

Même le ciel fut orageux hier soir, la nuit noire , vulvaire, avait gobé le cimetière marin, la mer et tous les paysages... J'étais comme dans une "alcôve" dernière, tenez !.. Une voix semblait me dire : veux-tu encore m'entendre jouir une ultime fois ?...