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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 11-11-2010 à 11:11:12

Le piéton mélancolique.

Le monde de l'art d'aujourd'hui est décidément bien coincé dans ses habitudes, ses préjugés, son snobisme. Il s'engouffre dans des promotions (souvent douteuses) sur des oeuvres contestables (voire nulles) et en  néglige d'autres abandonnées au bon vouloir de ceux qui, l'appréciant , militent pour elles, et il n'est pas rare qu'une telle reconnaissance se fasse à la mode posthume.
Un cas. C'est celui d'un peintre "lyonnais" (ce n'est pas une qualification mais une notation géographique - on a voulu créer une "école lyonnaise", c'était enfermer l'artiste dans une portée régionaliste fort préjudiciable à son essor et sa reconnaissance), ce qui tout au plus signifiait qu'il n'avait pas songé à se risquer au tumulte parisien qui peut broyer les plus sensibles.
Réfugié dans son atelier de Saint Romain au Mont d'Or, Henri Lachièze Rey va oeuvrer dans une manière de solitude qui le porte vers une peinture de caractère intimiste.
Philippe Jaccottet qui comme tout poète se penchant sur le phénomène de la création en perçoit la part la plus essentielle, peut dire : "Lachièze-Rey n'est pas un peintre du silence, comme Morandi, C'est plutôt un peintre du murmure ou de la rumeur ; il y a dans ses tableaux une espèce de parole qui, pour être sourde, contenue, n'est  nullement faible ou incertaine".
Rumeur car, outre des portraits et de nus, il a donné maintes visions urbaines plutôt fermées, allant dans des lieux de sociabilité ouverte et hasardeuse, comme les cafés. Lieux clos mais théâtre d'une étrange et murmurante cérémonie, car il s'en dégage une sorte de questionnement, dans l'ondulation des nuques, les silhouettes lourdes.
S'il s'en tient à des sujets "réalistes", il n'hésite pas à s'engager dans des traitements de la matière qui, la privilégiant, la porte au premier plan du visible. La réalité n'était plus que prétexte à d'étonnants exercices qui rejoignent la liberté de l'abstraction.
Sa vision de la ville est d'une étonnante originalité, elle traduit l'émotion (la sensation) dans le moment même de son exécution. Une approche totale, vertigineuse, avec le sujet, comme pour s'y fondre. avec, mais juste esquissée, une pointe de mélancolie comme en a tout piéton urbain qui y voit le jeu de la lumière suivre celui du temps, basculant vers les ombres, en passant par les demi-teintes, car, piétonner dans les rumeurs de la ville, c'est s'enfoncer dans sa propre douleur.

 

Commentaires

Saintsonge le 16-11-2010 à 16:07:00
en repassant à rebrousse-article, je lis votre réponse à laquelle j'ajoute ma négative ; j'ignorais, mais il y a un clin dieu : j'ai lu ce livre à l'aube de mes vingt ans, vous étiez donc , par le "cadre" du livre, dans mon optique de connaissance, puis par les peintres dont vous fîtes les beaux ouvrages de référence...

C'est une "gloire", et c'en est pas, oui , que Dorgelès eût placé en ligne de mire et de fuite votre village, jusqu'à obtenir le Fémina 1919
sorel le 12-11-2010 à 10:21:53
savez vous que mon village natal est le cadre qui a inspiré Dorgelès pour ses Croix de bois. pas lieu d'en tirer gloire. C'est un fait. Objectif. sans conséquence.
Saintsonge le 11-11-2010 à 19:23:00
Influente abstraction qui eût encore fait gouailler Arletty de son tonitruant : "Atmosphère ! Atmosphère ! est-ce qu"....

Mais la faucheuse des talents trop tôt venue me navre bien souvent....et me questionne d'un arc-en-ciel de Pourquoi ?

Il fait un ciel continu de crachin de "tranchée" tout ce jour, j'ai fermé les volets pour ne pas me rappeler trop ces gadoues et ces Croix de Bois, croyez-moi !

Je pense bien à vous....