VEF Blog

Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 21-11-2010 à 15:12:16

L'appartement de Kienholz

Il faut situer la chose dans son contexte. On est dans un musée (impossible de me souvenir lequel, à Londres ? Amsterdam ?) et passant d'une salle à l'autre avec cette désinvolture propre au touriste (on visite toujours mal  un musée quand on y va dans un esprit de touriste qui avale des kilomètres d'information en luttant contre le temps quand la visite d'un musée demande une approche lente, réfléchie et dans une disponibilité qui est interdite au touriste toujours pressé).
C'est à la fois une aventure de reconnaissance d'oeuvres que l'on connaît et que l'on reconnaît sur la cimaise, et dans le meilleur des cas, des découvertes.
Après quelques confirmations qui nous rassurent (la présence, par exemple,  des témoins de notre modernité : Pollock, Matisse, Soulages, Poliakoff ...) on se trouve sans bien savoir pourquoi dans une pièce au décor atroce (papier peint déchiré, meubles en loque, grisaille et morbidité) et progressant dans cet itinéraire tracé au travers des salles du musée on se trouve comme prisonnier d'un appartement du type de ceux que les médias nous montrent pour dénoncer le problème du logement dans notre société. Non que le décor soit celui de la misère, pire encore c'est celui d'une lente déchéance. Un décor qui vous colle à la peau et vous désole tant il en dit long sur la misère morale de ceux qui sont condamnés à y vivre. Renseignement pris (car l'astuce c'était de cultiver l'ignorance de l'identité du lieu) on apprend qu'il s'agit d'une oeuvre de Kienholz. Artiste américain qui s'illustra dans la composition d'environnements banalisés et conçus à partir d'éléments empruntés à la décharge publique. Des meubles d'un autre âge, des objets insensés et sans grâce. On pénètre par effraction dans un appartement dont la banalité n'est pas exempte de perversité. C'est la mesure de la création de lui avoir donné cette allure de désolation qui est comme une signature, la preuve d'un regard. Celui de l'artiste qui intervient sur l'objet pour lui donner sens.
Kienholz aura été l'un des premiers à signer ainsi un espace (on aura en France Christian Boltanski qui procédera à la reconstitution de lieux habités dans un esprit "muséal").
L'artiste pénètre à l'intérieur d'un lieu habité pour lui arracher sa vérité. Par un inclination naturelle à donner une vision pessimiste de notre époque, et la volonté de donner à voir ce qu'elle peut avoir de décadent, il signera des "installations" qui  ressemblent à sa vision désenchantée de notre société. Pour mieux en dénoncer la caractère inhumain.
Inventant des enfers de poche.

 

Commentaires

Saintsonge le 21-11-2010 à 16:01:01
est-ce l'artiste de "la chair et dieu" ?..

Dans l'affirmative, né d'un esprit déchiré par cette question, le "décor atroce" est normal , la vente d'aspirateurs mène à tout !..

Jour en désordre céleste Douarneniste-Trébouliste : pluie, éclaircie, plages lentes de mouvances nuageuses blanches, grosse pluie, puis taquinerie d'Hélios, voyez que les appartements du ciel ont des airs disruptifs !!!