posté le 28-11-2010 à 10:36:46
Plaidoyer pour l'éclectisme.
Dans le milieu artistique des années 1970-90 il était mal venu de se montrer éclectique ou du moins, l'affichant, de risquer la mise en marge pour raison de futilité invoquée, dénoncée.
Un mauvais souvenir : ma gestion du Pavillon Français de la Biennale de Venise (1978) où j'osais se faire côtoyer des artistes sans aucun rapport de tendance, de style, de référence, et considérant, au besoin, le recours à la peinture de chevalet comme un but qui acceptait le voisinage d'artistes résolument "anti-peinture" et privilégiant les nouvelles techniques, l'art dans ses développements les plus nouveaux (voire, la référence à Duchamp le situait dans une chronologie qui avait déjà la couleur du musée).
Elevé dans une totale adhésion au surréalisme (qui sera suivi de rencontres avec la plupart de ses artisans) je m'octroyais le droit d'aller voir sur d'autres terrains, et pourquoi pas ceux qu'ici on baptisait de ringard et qu'ailleurs on vénérait.
D'un côté, une vieille tradition montmatroise (Carco, Utrillo, Max Jacob, Mac Orlan) qui était dans l'esprit de ma famille, et de l'autre ce flamboiement de la peinture surréaliste que suivra bientôt (dans les années 50) la tyrannie de l'abstraction.
On perdait beaucoup de sa crédibilité quand on osait se glisser dans l'esprit d'un abstrait qui avait la fibre du combattant (Mathieu, Hartung, les géométriques de la galerie Denise René) et dans le même temps célébrer la force d'un Gromaire, l'élégance mystérieuse d'un Goerg, la vélocité d'un Lapicque, sans oublier la génération des grandes figures du XX° siècle en ses débuts : Braque, Vlaminck, Pascin, Derain.
Kandinsky chasse-t-il Roger de la Fresnaye ?
L'orthodoxie tant vantée exigeait que l'on adhère à une chapelle et évite les autres. Etant de nature vagabonde et réfutant toute contrainte (surtout intellectuelle), je jubilais (non, je trouvais tout naturel) de fouler les plates bandes réservées à des spécialistes qui tenaient fort à leur exclusivité. On ne peut (on n'aurait pas le droit) d'invoquer dans le même élan Wols et Dunoyer de Segonzac !
Les choses vont empirer dans les années 70 quand l'art pop va triompher et imposer une nouvelle esthétique, au demeurant d'une portée capitale pour une compréhension sociale de l'art et son insertion dans le vif du réel.
Aujourd'hui règne la plus grande confusion, et sans doute, un sentiment de malaise, l'art ayant perdu tout repère et se précipitant dans sa décadence.
Baudelaire l'avait annoncée.