Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 05-12-2010 à 16:16:06
Georges Fourest.
C'est une petite bibliothèque vitrée, comme celles que l'on trouve dans les bureaux de notaire, ou ceux des petites communes dont la Mairie est dans une école désaffectée. Un objet qui s'est mis en marge de notre modernité et dont le charme tient à la modestie de son apparence et le caractère un peu mystérieux qu'il a acquit d'être plutôt réservé à la conservation des livres.
J'en ai fait le réceptacle de ceux qui me sont le plus chers. Il y a là, en vrac, Baudelaire et Nerval, Cadou et Mandiargues, Callet et Vialatte, Forneret et Char, Michaux et Saint-Simon, Unica Zurn et Lautréamont, quelques suréalistes (il y en a partout) et Kafka, Violette Leduc et Jean Genet, Virginia Woolf et James Joyce, et tant d'autres encore qu'il serait fastidieux d'énumérer.
Dans ce déferlement de papier surgit, modeste jusque dans sa taille, mais avec sa traînée de légende comme quelque aérolite fonçant sur notre regard, l'ouvrage qui fit la gloire de Georges Fourest : La Négresse blonde. Aujourd'hui relégué parmi les curiosités littéraires. Quelques mots pour le situer. Né à Limoges en 1864 dans une grande maison bourgeoise où son père exerçait le métier d'apothicaire. Une enfance parmi les cornus qui sont presque celles du diable. Le voici à Toulouse, à la faculté de droit, déjà plus intéressé par le culte de mots (et de l'humour) que par des chicaneries sorties du monde de Molière. Une rencontre décisive, celle de Laurent Tailhade une des figures les plus singulières de cette "fin de siècle". Grâce à lui Fourest va être confirmé dans son "amour des lettres", et il l'introduit dans les cénacles à la mode. Il débute (sous un pseudonyme) dans les revues du Quartier Latin, on voit bientôt sa signature dans la revue l'Ermitage (ce qui est une référence) dans La Plume, et Willy prend en charge sa promotion après une prestation de Fourest dans les sous sols de "La Plume" (boulevard Saint Michel) où il récite la fameuse "Epître falote et testamentaire pour régler l'ordre et la marche de mes funérailles". Tout l'humour de Fourest s'y déployant dans une envolée verbale qui se situe entre les chansons de salle de garde et François Villon.
C'est le départ d'une réputation qui va aller son chemin alors que l'auteur, loin de cultiver la bohème, se glisse dans la peau d'un honnête bourgeois gérant au mieux ses biens car il prend l'allure et le ton du rentier jusqu'à la caricature de lui-même. N'est-ce pas, dans le même temps, Alphonse Allais minant l'humour de sa verve froide et imperturbable sous l'apparence d'un aimable bourgeois bon vivant et familier de la fée verte (sans tomber dans la crasse de Verlaine et sa pathétique déchéance physique). L'humour est alors entre les mains de personnes présentant tous les signes de la bienséance bourgeoise avec un rien de respectabilité qui camoufle l'angoisse dont sa culture est le prétexte.
Fourest publie chez Crès (trois éditions) son oeuvre la plus connue, cette Négresse Blonde qui, surgissant de ma bibliothèque, me ramène à José Corti, son dernier éditeur. L'homme avait, lui aussi, cette apparence tranquille de quiétude (encore qu'il traîne la douleur du deuil de son fils). On le voyait passer, rue de Vaugirard, venant de sa boutique de la rue de Médicis. Voûté par l'âge mais compagnon fidèle de toutes les folies du surréalisme dont il avait été l'un des premiers éditeurs. En cultivant l'art et le souvenir de Georges Fourest il était logique avec lui-même. C'était l'une des bombes de l'esprit qu'il gardait dans sa poche.
Commentaires
Non, vous savez bien, je vous ai dit : mon savoir est grand, mais mon ignorance, bien plus grande encore, j'aime cependant les lectures que je fis , en synchronicité mémorielle des années plus tard avec vos pages-ci, moi qui me disais à l'époque parisienne (78/81) : ça sert à rien, ce temps à lire, quand je peux courir jupon et plus !.. Vous m'apportez preuve que je fis bien, tout sert un jour, finalement, vraiment ...Ce jour, trente pages réinformatisées (de mon manuscrit accepté), et - ô rage, ô désespoir -, une fausse manipulation fit que j'enregistrais tout mon travail ailleurs que là où il fallait, ah misère !... Tout reprendre, un autre jour, ou, ils l'acceptent dans le dossier que j'ai créé autrement... Fichtre, suis épuisé... Venir chez vous repose, d'autant que le peintre...est couché... Pour la "sardine", regardez, je lisais Perros quand je travaillais au Furet du Nord, bingo : je fus muté , en son pays !... Tout à signification...et votre l'autre-est amont ?...
Nuit noire, rage finie, un restant de sinusite, et une virée nocturne Babel-Ouèbe, sur la "toile", avant la nuit... Bien à vous, d' YS-ci.
Décidément sous avez tout lu.....
Ça me fait penser qu'au Pays de la sardine,
Sa formule usitée pourrait passer pour fine !
"dans leur cercueil en fer-blanc
plein d'huile au puant relent....
marinent décapités
ces petits corps argentés..."