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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 10-12-2010 à 11:26:52

Héliogabale vu par Artaud.

C'est un ouvrage de commande. Artaud s'y donne tout entier et avec un ton de passion qui va gratifier le texte de son rythme et ses couleurs.
Il a accumulé de nombreux documents pour aborder un sujet qui relève de l'Histoire, et pour lui, qui n'est pas un spécialiste, la nécessité d'un support venu d'emprunts, de lectures, d'une accumulation de connaissances  ne freine pas le texte qui reste dans l'esprit de son travail personnel.
Il pose (et l'illustre) le problème des travaux de commande pour  ceux qui y répondent sans avoir nécessairement les qualités requises, ni la culture, sinon qu'ils s'en servent pour faire passer quelque  chose de leur propres préoccupations, de leur monde propre.
Le style donc, emporté comme propre à la nature d'Artaud, avec cette fièvre qui coule derrière la phrase comme le fleuve tumultueux d'un passion dont l'écriture est le reflet.
Mais le choix du sujet joue aussi pour beaucoup dans une sorte de fidélité à son propre travail de mise à jour (si difficile) de son intériorité blessée. N'aurait-il pas existé qu'il l'aurait inventé. C'est un personnage pour lui, pour sa fougue visionnaire et provocatrice.  Héliogabale, la proie des biographes en recherche de scandale, de détails scabreux selon celui qui les donne, et qui, chez Artaud, prennent une dimension quasi mystique.
Messaline, Isabeau de Bavière, Théroigne de Méricourt, sont des personnages qui exigent une vision gagnée par une certaine "noblesse" et peuvent facilement tomber dans l'équivoque et le vulgaire  pour répondre aux appétits malsains d'un public qui ne voit les excès sexuels, les déviances, que comme un catalogue d'anecdotes piquantes. Chez Artaud ils conduisent son personnage vers un destin tragique, qui semblerait illustrer son "Théâtre de la Cruauté".