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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 17-12-2010 à 11:42:33

L'occupation des lieux.

Dans sa fatale chute depuis le chevalet la peinture s'est répandue dans l'espace en usant de tous les médias qui pouvaient concrétiser  cette nouvelle vocation (?), exigence,  et se trouvant de nouveaux matériaux pour concrétiser cette espèce de mégalomanie qui est contenue dans toute entreprise artistique. De peinture d'ailleurs on ne peut plus parler.  A l'art, et en globalisant ses ambitions, on sera désormais contraint de faire référence. Tout est art, comme à en croire certains héritiers de la pensée de 68, tout est politique (même l'amour disait-on alors).
A une telle évolution il fallait bien des modèles, des références, des maîtres à penser. On aura, en vrac, et en première ligne, Marcel Duchamp, grand perturbateur qui a effectivement amorcé ce passage de la peinture (qu'il pratiquait dans l'esprit de son temps, et dans l'orbite du cubisme), mais aussi "dada" qui valorise (et perturbe) l'objet (et le plus dérisoire au besoin).
Cette prise de possession du réel passe par le biais de la dérision. Il faut voir en elle le recours pour lutter contre les angoisses. C'est de rire du réel que dada s'en sauve.
Kurt Schwitters est historiquement considéré comme un membre éminent (même furtif) du mouvement dada dans son développement international.
Mais on peut considérer son oeuvre comme autonome et dans la logique de son développement. Avec le Merz (Merzbau) Schwitters ouvre la porte à toutes les entreprises qui visent à occuper l'espace, pour le rendre "signifiant".  C'est une énorme production qui englobe des visées et des solutions totalement étrangères les unes aux autres, n'ayant pour point commun que cette volonté d'occupation.
Schwitters introduit cette ambition dans sa propre demeure, dans le quotidien de son environnement, finissant par vivre en son sein, comme il compose une sorte de reliquaire pour les oeuvres de ses amis. L'entreprise développe une formidable énergie de réflexion sur le rôle de l'art dans notre vie et sur ses formes.
Quand Duchamp assèche le terrain, Schwitters le féconde, avec une pointe d'humour ici, de mélancolie là. On lui doit beaucoup.