Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 27-12-2010 à 10:04:50
L'orage de roses.
Entre un paysage de Klimt (photo) et un souvenir de promenade.
Des promenades dominicale Valentin faisait un catalogue qui avait des allures d'herbier, ou d'étal de fleuriste en gros. Toutes les couleurs s'y fondaient. La palette de sa mémoire avait des sonorités d'orage, des éclats de plein soleil, une diversité prodigieuse qui l'aurait fait peintre de l'ardeur, un prophète des éléments déchaînés, un artisan des catastrophe.
Aura-t-on noté que l'ordre du monde passe par la modération des teintes qui le composent. En versant dans l'excès c'est la dérive des continents qui s'annonce, les déchirures du ciel, les vertiges des éléments.
D'entre des promenades dominicales, l'une reste gravée comme une enseigne inscrite sur un ciel azuré, un dessin d'une précision d'aphorisme.
Une maison de village, pierre de taille en saillie et blonde, porche à l'antique mais fort délabré, incitant à l'intimité des couples qui peuvent s'y réfugier le temps d'un orage.
On l'aura franchi après une longue promenade sous la pluie, transi, et heureux de l'être, on se retrouve corps à corps parce que l'âme s'est fondue dans la complicité d'un instant.
En revanche, les volets fermés, en signe d'abandon dans l'abondance végétale qui scelle le jardin dans l'idée de l'oubli.
D'excès et d'opulence impudique, des flambées de roses grimpent sur le mur, escaladent le relief, se fortifiant au moindre éclat furtif du soleil qui sculpte les ruelles au plus fort de l'après-midi quand le silence s'y fait radical.
Un flot d'odeurs mêlées. A celle de la rose à la délicate effluve, se fond, indécise, lancinante, celle de la pourriture qui accompagne si tenacement la plus fabuleuse éclosion végétale.
Un voisin interrogé, qui contemplait benoîtement la déambulation somnambulique des touristes s'extasiant sur le caractère pesamment mélancolique du lieu, quasiment abandonné par ses habitants, répondant à un questionnement aussi futile qu'indiscret, affirma que la maison, quasiment par les roses étouffée, avait été le cadre d'une tragédie familiale. Une poignée de morts violentes marquant la maison du sceau de l'interdit, la rendant invendable, et dans sa beauté navrée, condamnée à n'être que cette somptuosité florale où l'odeur de la mort s'était glissée dans celle enivrante de la vie.
Une maison devenue un tombeau.
Commentaires
Vu rené Quéré, sous un bob noir, manteau noir, à la boulangerie , ce matin ; il allait avec la canne en bois des randonneurs quand ma pensée gagna votre site...dans l'accalmie des cattleyas, si je puis dire..., en parallèle de vos roses orageuses... à la source des excès...Cette demeure tout en long m'évoque celle de ...Balthus !