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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 29-12-2010 à 10:46:14

Le jardin Opéra de Fragonard.

C'est l'époque des jardins-théâtre, l'idée d'une nature à la fois livrée à elle-même, conservant quelque chose de ses origines sylvestres, et agrémentée pour les plaisirs de l'esprit (et de la galanterie). Une curieuse évolution qui voit le jardin passer de son ordonnance  (voulue par monsieur Lenôtre) à des fantaisies architecturales où les références à l'Antiquité annoncent déjà l'art à venir.
Fragonard peint une sorte de Villa d'Este au quotidien, en faisant évoluer dans le décor les ouvriers qui lui donnent vie, l'ornent, et sont les machinistes de cette féerie végétale. Comment ne pas penser à Piranèse qui met en scène, dans des paysages de ruines, le petit peuple perpétuant les rites de la vie à son niveau le plus modeste. Hubert Robert aura aussi ce goût du quotidien dans la splendeur (souvent désolée chez lui) de jardins, ruines et palais écartés de leurs fonctions officielles.
Qu'on ne s'y trompe pas, la théâtralité implique une action (à venir) plus en conformité avec le décor qu'on lui prépare. C'est alors un temps suspendu, un lieu d'attente, les personnages vont surgir, s'emparer de l'espace et l'action déroulera ses séquences comme dans un rite d'Opéra.
Le jardin voulu par le peuple n'existe pas encore. Un jardin qui lui ressemble. C'est le XIX° siècle qui va le lui offrir sous la forme du square qui, lui aussi, émiettera les références culturelles (bassins et statues), mais en jouant la bonhomie, voire l'effet pratique.
Le jardin aristocratique n'est qu'un décor qui reste vide en l'absence de ceux à qui il est destiné. Il en tirera une certaine désolation qui ne peut charmer que les rêveurs et ceux à qui ses rites sont interdits. Il s'ouvre alors à de plus larges explorations fantasmées