Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 04-01-2011 à 10:33:30
Cioran rue de l'Odéon.
La rue de l'Odéon est bien celle de toutes les rencontres. A quoi s'ajoute le défilé des fantômes qui la hantent : James Joyce, Valery Larbaud, Léon Paul Fargue. Adrienne Monnier et Sylvia Beach sont sans doute pour beaucoup dans cet état de fait et l'accès au théâtre de l'Odéon qui décline les colonnes de sa sobre façade pour lui donner un petit air antique.
Pour aller au Soleil dans la tête depuis le métro (Odéon) on la gravissait (elle est légèrement en pente) en songeant qu'était là, autrefois, le jardin de l'hôtel de Condé où le jeune Sade gambadait quand il avait encore une âme d'enfant.
André Breton, à la fin de sa vie, y promenait sa solitude. Parfois Michel Leiris rejoignant son domicile du quai des Augustins, y frôlait les murs aux côtés de sa femme Louise, Jean Louis Barrault la gravissait avec l'énergie de celui qui mène une vie de hâte et de passion, et ce n'étaient souvent que des vieillards qu'on y croisait portant nom de célébrité déjà coincées dans les pages d'un manuel scolaire.
Une figure tranche, tant par son allure, sa démarche, alors qu'il se rendait ( sa promenade quasi quotidienne) au Luxembourg, car il vivait là, dans une modeste chambre (de bonne !) au plus près des étoiles et dans le silence qui annonce les sommets épargnés par la violence de la rue. On aura reconnu Cioran, ignoré du grand public mais plébiscité par une poignée de fidèles, dont d'élégantes jeunes femmes qui lui donnaient le bras pour sa promenade, et se repaître de ses aphorismes déprimants.
Un philosophe est à proximité de nos hâtes, piétons coupés du monde et tout entier enfermés dans le quotidien qui nous ronge.
J'y ai enfin croisé un jeune homme, de ceux que le monde va broyer, la tête à l'image de celui qu'il admire (ne se fait-on pas la tête de son Dieu ?), la démarche lente du rêveur, du piéton céleste. Il a entre les mains "Le crépuscule des pensées". Certaines se sont détachées des pages du livre, tombant sur la chaussée et disponibles à qui veut bien les ramasser.
"Si l'on n'avait pas d'âme, la musique l"aurait créée".
"Etre ? Une absence de pudeur".
"Dieu est le moyen le plus propre de nous dispenser de la vie".
"Sans le malheur, l'amour ne serait guère plus qu'une gestion de la nature".
"Tous les hommes me séparent des hommes".
"La timidité est l'arme que la nature nous offre pour défendre notre solitude"
Et tant d'autres menacées à l'arrivée des éboueurs.
Commentaires
Je vous pensais en sueur sur votre l'autre-et-amont, ou par monts et vaux, ailleurs, ne pensais plus à une éventuelle "panne"... dont vefblog semble vous accabler souvent.... Suis en relecture d'un vieil Alain que vous possédez peut-être : "les aventures du coeur"(MCMLII / Paul Hartmann Editeur ; 11 rue Cujas - Paris (Ve) -),
votre "mythologie" doit avoir son cachet, enviée sûrement des Voies romaines et d'autres Via Greco-latines ! A la revoyure..., proche j'ose espérer .... Très très beau soleil ce jour itou, j'ai même éteint le chauffage, il y a trois jours. Une couverture polaire me suffit, rouge d'un côté, jaune de l'autre (je change tel un caméléon, au gré des énergies et des humeurs)
Non, malheureusement cette photo vient de googel, comme tant d'autres. La rue de l'Odéon c'est vrai fait partie de ma petite mythologie personnelle. Que de fois l'ai-je remontée.... Ciel bleu, fin de l'hiver ? Bonne journée. Vefblog ne veut plus (pourquoi) de mes petites contributions. Je suppose que c'est une panne. Alors à plus tard.
Lire évidemment : sur toute la longueur du canal buccal
Ah Cioran !..J'ai goûté de son acide.. Il ne classe pas la linguistique selon le mode de l'articulation heureuse sur toute la longue du canal buccal, n'est-il pas ?.. On dit qu'il nie Dieu, mais il écrit pourtant, sur lui, quelquefois.. Tiens, j'aurais dû le citer à mon ami richissime qui se plaint tout le temps (de ce gouvernement), m'invitant plusieurs fois dans sa villa de Dinard et dans son grand dupleix Rennais, car il me chagrine chaque fois qu'il devient rapiat : "ce qui est terrible, c'est de se plaindre de ses difficultés devant un riche, et l'entendre, lui, se plaindre plus que vous, de sorte qu'à la fin, on est obligé de s'apitoyer sur lui. Il faut bien consoler plus chanceux...", cet aphorisme lui irait comme un gant, si j'y avais songé, en poche les Carnets 57 (année de ma naissance, d'ailleurs)... Evitant les angoisses, je ne le lis plus... Pourtant... Le ciel d'aujourd'hui ressemble à son portrait-ci (de votre "propriété", ce cliché ?) La rue de l'Odéon, j'ai sûrement dû la faire, ah si j'avais pu vous croiser alors , en ces temps-là, je ramerais moins !... Mais, y étiez-vous encore entre 78 et 81 /82 ?