Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 25-01-2011 à 10:07:21
Chez madame Geoffrin.
L'heure est à la quiétude. Le valet aura apporté le déjeuner qu'elle prend en solitaire. Elle lui aura demandé de faire la lecture. Il aura abandonné sa tâche, posé le balais et prenant le livre offre à sa maîtresse sa ration de culture, car elle en est avide.
Bourgeoise avant tout, et point impressionnée par les ducs, égoïste et soucieuse de son bien être avant tout, madame Geoffrin s'impose pourtant comme l'un des esprits forts de son temps. Ouvrant son salon (374 rue Saint Honoré) elle poursuit la quête culturelle d'une jeune fille qui ne savait pas grand chose mais saura tenir tête aux esprits les plus affinés de son temps. Chez elle se pressent tous ceux qui courent les salons comme des étapes indispensables à leur carrière (ne sont-ce pas ces dames tenant Salon qui font les entrées à l'Académie française ). Moins mondaine que marraine, jusqu'à sermonner son petit monde.
Horace Walpole, cet anglais distingué qui faisait son "grand tour" et jouait le rôle d'ambassadeur entre les souverains et les mondains, notait " Elle a une manière de reprendre qui me charme. Je n'ai jamais vu, depuis que j'existe, personne qui attaque si au vif les défauts, les vanités, les faux airs de chacun."
Autour d'elle ce ne sont que gronderies, fâcheries et réconciliations dans un climat à la Greuze. C'est bien dans l'esprit de son temps, entre la sentimentalité excessive de Rousseau et le scientisme exigent de d'Alembert et Diderot. Et dans la foulée Montesquieu croise Marivaux. Le souvenir de la Perse et les galanteries de Marianne.
Côté peinture, il y aura La Tour mais surtout Hubert Robert qui se fait le chroniqueur complice de son intimité avec l'irascible dame. Pages tendres qui disent bien qu'au delà du grand esprit qui se déploie dans son salon il y a une vie en coulisses. Plus modeste, dans le vrai du quotidien. On n'est plus chez Greuze.