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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 31-01-2011 à 11:43:12

Watteau n'est pas Marivaux.

Quatre ans les séparent, Watteau est né en 1684 et Marivaux en 1688. Et les voici plongés dans la même société, aux derniers feux du règne de Louis XIV chaperonné par l'intrigante Maintenon, et l'éclat de la Régence (1715) dont Watteau ne verra que les débuts (il meurt en 1721). D'ailleurs son monde n'est pas touché par le cynisme propre au maître du Palais Royal et à sa cour de débauchés. L'espèce de mélancolie que distillent ses scènes galantes relève d'un tout autre esprit, qui annonce plutôt Gérard de Nerval que l'amère lucidité de ceux qui affichent les idées nouvelles. Ses personnages n'ont pas l'air de croire à leur bonheur remarque Verlaine dans un poème des Fêtes Galantes. Et Proust évoque un "lointain mélancolique". L'idée d'un bonheur inaccessible fera son chemin.
La femme y est présente, mais plus sentimentale que délurée. Entraînée malgré elle dans des complications sentimentales dont Marivaux va se faire le subtil analyste.
Mais l'homme de plume semble plus engagé dans un constat qui annonce la femme des temps à venir. Elle va gagner, avec la Révolution, une nouvelle reconnaissance, et le XIX° siècle avancera sur la scène les femmes fatales et les femmes damnées.
La modernité de Marivaux l'emporte sur celle de Watteau qui est un admirable chef d'orchestre de la lumière et des oraisons végétales, mais avec une pointe de mélancolie qui fera un bon fabuleux avec le Romantisme.
Marivaux, inventeur du marivaudage, est plus direct en ses constats en dépit du jeu scénique qui fait tout l'attrait de son entreprise.
Tout le théâtre qui suivra se revendiquera de ses personnages avec ses caprices, ses quiproquos, ses délicieuses futilités.