VEF Blog

Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 09-02-2011 à 11:03:43

Piero Manzoni, l'art fétiche ?

Il avait la rondeur qui suppose la jovialité, un humour caustique et une chaleur humaine que la rigueur de ses concepts artistiques ne laissent pas deviner.
Du temps de Sens Plastique on le voyait souvent, participant avec discrétion à nos petites réunions amicales à Pierrefitte. Un jour il apporta, sur un bristol, l'empreinte de son pouce. Quelque chose qui tenait de la pratique policière mais prenait, avec lui, une forme de discrète allusion à la carte de visite que l'on déposait autrefois dans les antichambres (voir Proust), lui donnant le pouvoir de signifier un passage.
Sa carrière s'est faite dans la fulgurance des modes et des options esthétiques qui, dans les années 60, se multipliaient, se croisaient, tissant un formidable tissu d'idées fortes propres à modifier grandement le rôle de l'art dans la société.
Son rôle n'y est pas mince, même s'il reste relativement discret. De toutes manières il a pour cadre l'Italie de l'époque où la vitalité des revues, des galeries dépassait largement ce que l'on faisait à Paris.
Sans doute, son point de départ a été la pensée et l'action d'Yves Klein (dit Yves) dont Restany a coordonné l'action (sa peinture sur un un nu féminin n'est qu'une réplique de ce qu'avait fait Yves Klein dans un cérémonial qui mettait la nudité en fonction d'être "le pinceau" d'une aventure picturale). Mais, en Italie, Piero Manzoni a joué le rôle de catalyseur, de précurseur, dans l'évolution de l'Arte Povere qui a balayé toute une génération et orienté l'art vers le simple choix d'objets ordinaires (écho à l'action de Marcel Duchamp) et la culture des matériaux pauvres (d'où le titre donné au mouvement).
Manzoni, sur des bases théoriques qui vont connaître leur développement, et l'illustration de leurs limites, va cependant donner une dimension plus intériorisée à ce rapport qui semble si évident, et naturel, avec la réalité.
L'exposition d'excréments humains a suscité railleries et scepticisme (au premier degré). Sans doute le pas était franchi qui dépasse l'usage de l'art à des fins esthétiques pour pénétrer dans le domaine de la sociologie, et  par étapes, de la psychanalyse.
A quoi on peut ajouter une dimension qui est courante dans les arts primitifs (mais avec une connotation religieuse), quand l'art devient fétiche.
Au lieu de créer un objet fétiche (entrant parfois dans une pratique rituelle), Manzoni propose des objets (ou des matières) qui soulignent la part inconsciente mais irrémédiable de la nature humaine. Une prise de conscience de notre réalité jusque dans ce qu'elle peut avoir de dérisoire, voire de repoussant.

 

Commentaires

Saintsonge le 09-02-2011 à 11:46:46
Contre l'idée que les ex-crèments puissent être qualifiés d'oeuvres d'art, même en boîte (lui, ou un autre artiste, qui les y mit ?)... En ce cas, les trottoirs douarnenistes sont des tableaux naturels signés des races canines, il y en que trop !... La merde et l'argent, c'est Freudiennement pareil...

Un temps de chien, aujourd'hui...

Gris, froid, la pluie peut tomber, mais j'ai un rendez-vous avec un couple sur la Plage (aura-t-elle un gant de daim bleu ?)