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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 15-02-2011 à 15:21:43

Laurence Sterne et son père.

Loin de l'image du "commandeur" qui domine Kafka enfant, et la lettre au père qui s'en suit, celle que Laurence Sterne donne (dans une intime autobiographie destinée à sa fille Lydia) de son aimable père une image cocasse et sympathique, propre à annoncer l'esprit que développe son oeuvre principale Tristram Shandy.
Le personnage s'inscrit dans une généalogie plutôt flatteuse avec en figure ancestrale un archevêque (d'York) dont la descendance s'illustre par des positions sociales pleines de gravité et de noblesse, assorties d'alliances matrimoniales, de celles qui fondent les grandes dynasties bourgeoises.
Hors, dans cette aventure familiale, Roger Sterne fait tâche. C'est le vilain petit canard. Contrairement aux autres membres de la famille bien installés dans la société, entre hauts dignitaires ecclésiastiques et riches commerçants, il se lance dans une carrière militaire qui est une caricature du genre. Ballotté de garnisons en champs de bataille, il ne parvient même pas à gravir les échelons qui conduisent aux grades élevés. Il finira sans gloire à la Jamaïque où les remous de l'Histoire l'avait conduit.
Laurence naîtra dans ce tourbillon (24 novembre 1713).  Il s'ouvre au monde dans ce tintamarre, au son des fifres et des tambours et le spectacle des uniformes chamarrés.
Tout ce monde de fumeur de pipes et de bavards oisifs en conquête vaine de gloire, va mûrir en lui pour surgir, avec une drôlerie qui lui est naturelle, dans les aventure de Tristram Shandy, avec ce goût de l'absurde, cette verve qui va se muer en galanterie. Et l'homme Sterne se profile enfin, après des études elles aussi un peu chahutées, et semble-t-il sans éclat, pasteur et galant tout à la fois, plus galant que pasteur, encore que l'époque avait inventé aussi les abbés de cours, les petits marquis et la verve des Salons qu'il fréquentera avec aisance, une espièglerie qui entre pour beaucoup dans le charme qu'il exerce, en particulier sur les femmes dont il appréciait la présence et l'audience, car c'était un aimable et beau parleur.