Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 26-02-2011 à 10:23:55
Rancillac en son palais d'enfance.
C'était du temps où il avait son atelier à Bourg-la-Reine et autant que je m'en souvienne, une pièce encombrée par une vaste échelle, à moins que ce soit un escalier de meunier qui montait vers un grenier.
On avait songé à faire un petit film (en 8 Mm) qui ne sera jamais achevé et a été depuis perdu. Rancillac, à l'époque, était en pleine effervescence créatrice et il se cherchait.
C'était émouvant de voir cette frémissante gestation où la part du hasard joue autant que l'audace des entreprises. Il peignait avec tout ce qu'il avait sous la main, comme ces pinces à linge qui, appliquées avec régularité, construisaient un étrange et fascinant palais.
J'ai longtemps vécu dans la familiarité de cette composition aussi singulière qu'unique dans son oeuvre, car il n'était pas de ces artistes qui exploitent une trouvaille, un genre, et font commerce de leur invention jusqu'à la saturation (ils sont nombreux aujourd'hui à pratiquer cette politique du confort intellectuel et du clin d'oeil pour se faire reconnaître), et elle m'a suivie dans mes nombreux déménagements comme une sorte de fétiche d'une amitié, peut-être un accord fondamental avec cette manière d'explorer la matière et de rester fidèle à l'idée d'une représentation qui ait ses références dans le monde du visible. Mais la moindre tache n'est-elle pas, elle aussi, à sa manière, un bout du réel réveillé par la pratique de l'art. Que l'on songe à la remarque de Leonard de Vinci par rapport à une certaine tache sur un mur et qui regardée avec insistance nous entraîne dans un monde merveilleux.
Je présageais une carrière originale à la lumière de cette vitalité créatrice qui se moquait des risques encourus, qui abordait tous les sujets sans s'y attarder.
Le lendemain ce pouvait être un portrait, un paysage presque naïf, des objets quelconques (et même de la sculpture).
Viendrait ensuite la part du geste plus vigoureux, des débordements d'humeur partagés entre la colère et la joie, une sorte de fête de la couleur dans un déchaînement graphique. La part majeure de son oeuvre.
Moi je resterai fidèle à ses débuts tout à la fois balbutiants et frénétiques. Images d'une vitalité artistique d'une exceptionnelle saveur.
Commentaires
Votre année 56 , alors ?.. et qu'évoqueraient ces zones de turbulences politico-sociales actuelles, à l'intérieur du Pays comme de l'extérieur Maghrébin ?.. Non passé rue Hallé, de retour de mes cinq jours Bougivalais/Parisiens avec de longues pensées vers vous, bien sûr... Vu l'hôtel Stella, habitat personnel d'Aragon (89/04), propriété de sa mère (c'est plus facile...) . mon ami l'architecte n'a pu trouvé un stationnement pour une halte au Flore...Ai comparé de visu les toiles mémorisées de Buffet (56 aussi !) avec les actuels Pont Saint-Martin, Concorde, Tour St Jacques, Opéra, Ile de la Cité, L'église de Saint-Germain des Près .... Une idée qui vint comme ça en passant... Je faisais le co-pilote... Conduire ne me convient pas, je ne peux rêver , mon permis rose n'a guère servi... Voilà, je fus comme j'ai dit : de passage à Paris... Ai retrouvé les giboulées douarnenistes, un corps remodelé (c'est que la Capitale vous sculpte autrement, il y aura alors, pour moi, sans doute : un avant Paris, puis un après-séjour...de quelques jours...) Ai songé à Turner et aux Impressionnistes sur Bougival, Berthe Morisot and Co...
La bonne nuit....