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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 12-06-2011 à 21:57:18

La halte au reposoir.

Dans ses promenades il métamorphose des points de passage en reposoirs sentimentaux, en mémorial.

Cela venait de l'enfance, des jeux qui tenaient de la culture scout, cette manière aimable et ludique de découvrir des lieux, de les marquer, d'y créer des itinéraires dont le principe consistait à en suivre le déroulement selon des codes donnés comme les cartes du trésor inventées par Edgar Poe.
C'était, lors des errances campagnardes qui marquaient les vacances, des lieux de rendez-vous secrets et des premiers émois sentimentaux.
Les bourgeois chics qui sortaient de leurs châteaux ancestraux (il y en avait beaucoup dans la région, et des abbayes désaffectées à la Révolution achetées à vil prix par des ancêtres entrepreneur de maçonnerie quand les descendants jouaient au seigneur du village) tuaient leur ennui dominical en créant des rallyes bien utiles pour marier les filles cadettes.
Arrêt dans le mouvement (arrêt sur image). C'est d'ordinaire une modeste construction à vocation religieuse, devant laquelle lors des processions de la Fête Dieu, le cortège précédé des bannières richement brodées portées par les jeunes coqs du village qui se prenaient les pieds dans leur soutane, marquait un temps de repos qui permettait aux vaillants pèlerins de sexe mâle, de se soulager dans les fossés herbeux.
Le rite se dissolvait peu à peu dans l'étendue des champs subitement désertés par les corbeaux. Et c'est presque piteux que le cortège réduit à ses célébrants d'Eglise rentraient tout l'attirail défraîchi dans la sacristie.
Reposoir abandonné à la folie des herbes qui l'assaillent, l'entraînent dans leurs divagations saisonnières. A moins que quelques vieilles du village viennent, tout en y déposant des fleurs, se tenir à l'ombre du plein après-midi pour dire du mal de leurs voisines. Souvent un reposoir est construit sur une source et devient une fontaine, l'heureuse surprise sur le chemin. En y joignant les mains pour recueillir l'eau, l'amant offre une coupe fraîche à celle qui l'accompagne. Les grands gestes symboliques naissent des choses les plus ordinaires, les plus évidentes. De l'ordre donné à la nature.

Dans ses promenades il avait décidé de vouer chaque reposoir (et bientôt les bornes, poteaux d'angle, ou vagues totems rustiques) aux figures de sa mythologie personnelle. Redonnant sens à ces marques de l'homme pieux en inventant de nouveaux cultes. Un territoire à leur mesure.