VEF Blog

Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 18-07-2011 à 09:37:58

Godot chez Vuillard.

C'est bien tout l'attrait de la peinture de Vuillard d'être hors des chemins de l'Histoire de l'art qui, pour sa génération, voulait qu'on révolutionne la peinture pour en analyser le fonctionnement, alors que lui, ayant dépoussiéré les principes académiques, et s'en prenant directement à la réalité, sait lui donner cette subtile beauté des choses secrètes derrière l'évidence de leur présence. Rien de ce que l'on voit n'est dispensé de mystère et de ces nuances qui font que chacun voit le réel selon son tempérament, ses pulsions les plus inconscientes, et sans doute sa culture.
Tout a l'air si tranquille dans ce monde bourgeois, attaché au quotidien, donnant du poids aux gestes les plus simples, les plus ordinaires. C'est une quiétude piégée. Quelle attente souligne-t-elle, quelle  nostalgie ?
D'être d'apparence si tranquille, ne donne pas de la réalité sa vraie mesure. On sait Vuillard d'un tempérament placide (il restera célibataire toute sa vie) et vivant dans l'intimité de sa mère un quotidien qu'aucune fièvre (connue) ne disperse ou trouble.
Derrière cette quiétude peut-on voir une nostalgie si fine (si racée) qu'elle est à peine perceptible, et comme camouflée par le semblant de sérénité que sécrète cette touche qui a des douceurs de caresse, peut-être une légèreté qui est aussi celle de l'oubli. Passer comme un souffle discret sur le temps qui s'écoule, ne pas poser sa marque, mais simplement glisser un frisson sur la peau des choses, l'histoire des gens. Non dans la fuite, mais le murmure, et comme le refus de s'imposer, d'imposer ses angoisses.
Je vois, dans ce fauteuil vide, sur l'ouverture tranquille à la nature, l'attente d'un Godot de bonne compagnie. C'est un théâtre bourgeois que celui de Vuillard. Même la douleur (et l'attente) se joue sur une musique de chambre.