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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 19-07-2011 à 21:34:20

Les lacérateurs d'affiche gagnent les murs.

Fernand Léger, au début du XX° siècle, alors qu'il incarnait la modernité (on en est revenu !) avait porté son attention sur le mur. Le mur, support d'une expression picturale qui n'avait rien à voir avec la peinture murale classique. On le considérait en tant qu'oeuvre d'art spontané (publicités, affiches) à quoi s"ajoute bientôt l'intérêt que l'on porte au graffiti.
Imaginons la jonction de tous ces éléments, un chatoiement des couleurs et des formes porté par l'affiche et l'apport occasionnel, accidentel, spontané, des éléments climatique (pluie, vent), de la main du passant qui intervient sur l'affiche, en déchire des morceaux, y ajoute une écriture qui est celle de la hâte, voire de la protestation.
Un art est né, celui de l'affiche lacérée.
Quelques artistes des années 60 (Villéglé, Hains, Rotella, Vostell, Dufrène) ce sont spécialisés  dans cette quête de l'affiche comme support artistique d'un geste créateur qui s'incarne dans l'arrachage, lui même devenant un élément intervenant dans un résultat où jouent le hasard, le rythme même de la rue. Car cet art est étroitement lié à la vie urbaine. Il s'inscrit dans la hâte, la fébrilité du climat de la ville et retrouve quelque chose de la rudesse des éléments, tout comme la peinture qui lui est contemporaine et se résume à sa seule émergence sur la toile (Fautrier, Dubuffet).
L'attrait de cet art c'est qu'il mêle forme et mots, couleurs et matières (l'épaisseur créée par les couches successives des affiches collées les unes sur les autres). Il devient le territoire de cette alliance aléatoire et qui est une obsession de l'art : cette rencontre du mot et de la forme. C'est aussi le règne de la lettre, ce support du rêve (que l'on songe à Mallarmé, aux dadaïstes). Un support sans limites.