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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 19-07-2011 à 21:40:09

Les Tuileries une jungle nocturne.

Une fois qu'il aura été choisi comme résidence du roi (sous Charles V) le Louvre, jusque dans son constant développement, sera le point névralgique autour duquel Paris va croître.
Sa liaison aux Tuileries va renforcer cette dynamique.
Et voici un Palais déployé comme un labyrinthe et sa part de verdure reflétant les fastes de l'architecture dont elle est, comme l'eau d'un vaste bassin, le reflet.
Verdure maîtrisée et guidée comme un simple ornement (une dentelle ?) avec sa part de pièces d'eau et de statues pour en dynamiser les circuits invitant à une promenade soumises à des rites, dont ceux de la Cour.
Quand on dessine le plan de Turgot (juste avant la Révolution) le jardin des Tuileries a toute la rigueur d'une vie de Cour. D'ailleurs le petit peuple y est admis avec des réserves tatillonnes.
Le temps viendra, car un jardin, comme un corps humain, connaît des phases diverses, où, devenu espace public, il retrouvera quelque chose de la force naturelle de la forêt (une forêt de convention) où l'on se perd sous ses ombrages et où tous les fantasmes de l'homme moyen se développent.
Il devient le théâtre d'une vie sociale où l'idée de la rencontre (de l'aventure) prédomine.
Certains jardins (le Luxembourg), sont le théâtre des jeux de l'enfance (Gide en sait quelque chose), Monceau a des secousses qui contrarient sa définition, et la littérature s'en empare. Le jardin des Tuileries, cette sorte de colonne vertébrale d'un Paris en expansion, devient la part d'ombre de  la ville, son espace de liberté et de stupre. Il en faut bien un pour que la ville n'éclate pas de trop de fantasmes non vécus.
A coeur de la ville, à l'abri de ses rumeurs, un morceau de nature (serait-il de fiction) devient la théâtre de tous les désirs, de toutes les folies, dont  celles des fêtes nocturnes qui y sont ardentes.
L'Histoire y a laissé des traces qui surnagent comme ces déchets que charrient des fleuves en crue. On se cogne à bien des ombres qui sont celles de notre mémoire collective (la Révolution y a drapé quelques unes de ses plus légendaires séquences), on s'y cogne aussi à ses propres désirs, comme en un territoire d'illusions. Bruissante tache verte sur la carte, elle n'est pas une Aracadie de secours, et parfois un coupe-gorge pour mauvais sujets.
D'ailleurs une légende veut que les animaux en bronze du sculpteur Cain, qui ornent  les escaliers côté rue de Rivoli, sortent de leur inertie, la nuit venue, et transforment le jardin en une jungle effrayante.