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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 20-07-2011 à 15:27:45

Chez la baronne d'Oettingen.

Nombreux furent, à la fin du XIX° et au début du XX° siècle, les Salons où la maîtrise d'une femme orientait les carrières de ceux qui les fréquentaient.
Beaucoup d'entre elles se piquaient de littérature et sous des noms  d'emprunt commettaient des ouvrages qui rencontraient la bienveillance d'un public de fidèles qui n'y voyaient pas une concurrence dangereuse pour leurs propres productions.
C'était le jeu mondain qui primait. Marcel Proust en fera le vivier de son univers humain, caricatural et assez grinçant   (quel portrait affligeant de l'aristocratie d'alors !).
Avec "la baronne" d'Oettingent les enjeux sont bien différents. D'origine russe, elle épouse un aristocrate qui lui donne son nom, mais elle le quitte pour venir à Paris avec son cousin le peintre Serge Férat, et ce couple étrange tient salon boulevard Raspail (au 229) où fréquente toute l'avant-garde de l'époque. C'est que cette femme, qui signera sous divers noms, et écrira sous celui de Roch Grey, dépasse largement par son tempérament (volcanique) et son talent (indiscutable), le simple rôle de mécène. Elle le fut pourtant, plaçant Apollinaire à la tête d'une revue qu'elle rachète (Les Soirées de Paris) et qui  devient l'un des pôles de la vie artistique. Elle reçoit chez elle Survage, Modigliani, Picasso, Cendrars, Archipenko, Braque, Soffici, Max Jacob dans le désordre et l'enthousiasme d'une génération qui bâtissait les règles de la modernité.
Un de ses titres de gloire aura aussi été de savoir apprécier le génie du douanier Rousseau dont elle achète plusieurs oeuvres et sur lequel elle écrit quelques pages nerveuses et originales.
Plus laboratoire d'idées que salon mondain, ce qui le fait différent des autres et plus directement attaché à la création artistique auquel il fournira par ailleurs un véritable tremplin pour une plus large audience.