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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 30-07-2011 à 15:34:24

Le temps suspendu d'Elie Lascaux.

C'est un peu la même sensation, (le même plaisir), que lorsque l'image apparaît sur le papier photographique quand on le sort du bain de fixatif.
Enfant, j'étais fasciné par cette opération quand mon père sortait du bac où elle avait été plongée, délicatement, à l'aide d'une pince, une image qui , peu à peu, se formait sur le papier. On la voyait effectivement apparaître depuis la zone de flou où elle gîtait, jusqu'à  la totalité de sa définition.
Dans la peinture d' Elie Lascaux le sujet conserve quelque chose de son séjour dans cette sorte de purgatoire où elle sommeillait. Elle n'a pas la franchise d'une réalité affichée avec la force de la conviction, mais ce halo qui lui donne un mystère tendre et complice. Car elle est de l'ordre du murmure, de la confidence. Avec, comme une compensation, des joliesses dans les détails, une manière gracieuse de se complaire dans un temps infini qu'elle semble distiller, car elle va défier l'urgence qui commande notre vision des choses. Même ses vues de Paris (nombreuses) sont touchées par une sorte de grâce qui se prête  à de minuscules récits dont le paysage est souvent le cadre (on devrait dire l'encadrement).
Il lui donne un caractère provincial. C'est midi, on entend les cloches sonnant l'heure, carillon hautain et distingué, car ce monde comme suspendu à ses propres délectations, dédaigne l'ordinaire. Même marcher dans la rue prend une allure irréelle et mystérieuse. Chacun va vers un destin bien  éloigné de nos mesures rationnelles.
 C'est un monde largement ouvert à toutes les spéculations. D'où son attrait auprès des écrivains.

Il est des peintres pour écrivains. Outre Elie Lascaux :  Gaston-Louis Roux, Pierre Charbonnier, Klossowski, Balthus....