Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 31-07-2011 à 11:21:08
Eluard et la jouissance de Voir.
Un titre aux allures de slogan. Parlant de la peinture on pouvait dire : reconnaître, sentir, comprendre, analyser, Eluard va droit au but : VOIR. Injonction qu'il renouvelle quand il rassemble ses poèmes sous le titre "Donner à voir".
De tous les poètes de sa génération Eluard est sans doute celui qui aura les rapports les plus profonds et les plus étendus avec les peintres. Ceux-ci marquant leur adhésion au poète en illustrant ses livres ou faisant son portrait : Picabia, Picasso, Giacometti, Max Ernst, André Beaudin, Bellmer, Dali, Valentin Hugo, Marie Laurencin, Marcoussis, Magritte, Man Ray.
La vue (tout un art) est une sorte de fil rouge à travers toute son oeuvre.
Les titres de ses recueils en disent long : "Les yeux fertiles", "A 'l'intérieur de la vue",
Voir c'est aimer. Adhérer, par les sens, à l'objet aimé. Les rapports d'Eluard avec les peintres sont ceux de l'amitié. Une amitié partagée, d'où l'illustration qui est un acte de complicité, un face à face image et mots.
A propos de Rimbaud Eluard évoque "le droit de regard sur le poème", c'est le peintre qui ouvre la voix. L'y suivre, c'est entrer dans ce laboratoire central où se fomente la qualité d'un air différent, vital, par quoi le poème sort de l'usage distrait des mots, et leur donne une qualité qu'un usage intensif et quotidien leur fait perdre.
S'il parle des yeux fertiles Eluard donne d'emblée la mesure de cet art qu'il pratique et le fait si essentiel dans l'ordre du commentaire sur l'art (surtout la peinture qui ne s'offre qu'à la vue quand la sculpture suppose le contact physique et du même coup lui donne, selon certains, une supériorité).
Aux préoccupations esthétiques qui conduisent aux académismes, la peinture selon Eluard (et pratiquement tous les tenants de la peinture surréaliste), rejoint les préceptes du merveilleux. Car le peintre émerveille, et touche aux sens.
Voir, si l'on va plus loin en suivant Eluard, est un geste jouissif.