Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 08-08-2011 à 21:14:22
Le Banquet Rousseau au Bateau Lavoir.
L'endroit a perdu de son charme, et le Bateau Lavoir n'est plus, et ce n'est pas le pastiche à location réduite qui s'y dresse aujourd'hui qui remplacera le lieu légendaire. Le cousin qui me sortait de ma pension le jeudi m'y avait amené avec la dévotion du pèlerin. Ce devait être touchant de voir cet homme très frêle et délicat me tenant par la main en me contant l'histoire du Bateau Lavoir. C'était un grand d'Espagne, cadet de famille, loin des splendeurs de ses aînés, reconverti en coiffeur pour vedette du cinéma dans ce Montmartre des années d'Occupation où la Butte était déserte et à l'image de quelque lointaine province et où nous allions, la visite terminée, boire un chocolat chaud place du Tertre. Mon cousin rayonnant y rencontrait toujours quelque riverain (il connaissait tout le monde) et d'évoquer des souvenirs où revenaient comme des refrains les noms d'André Salmon, Van Dongen ou Paul Yaki, (l'historien de la Butte) son grand copain.
La Bateau Lavoir, était lié à l'histoire non moins légendaire du Banquet Rousseau.
Picasso qui venait d'acquérir chez un brocanteur de la rue des Martyrs la féérique "Yadwrigha" du vieux peintre qu'Apollinaire venait de découvrir, avait décidé d'inviter tous ses amis pour fêter la chose.
Ce fut une réunion où se côtoyaient les rapins du coin, des collectionneurs prestigieux (dont Gertrude Stein) des amis déjà "lancés" dans le petit monde de Montmartre : Raoul Dufy, Otho Friesz, Georges Braque, Marie Laurencin (qui était pendue aux bras d'Apollinaire) et André Salmon qui improvisa un de ces poèmes-récits qui firent les beaux-jours de ces années d'intense activité poétique (jusqu'à la première guerre mondiale).