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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 11-08-2011 à 11:46:13

Parc Monceau du duc d'Orléans à Zola.

Si paisible en son aspect actuel le lieu fut, à ses origines, une poignée de ces réserves de chasse que s'octroyaient des nobles arrogants et sans scrupules, grands chasseurs  entretenant,  dans des "remises", des animaux qui saccageaient  les cultures potagères des paysans de l'endroit  (quelques  minuscules villages).
Une concentration de quelques uns des plus grands noms de la France d'alors : Richelieu, Aumont,  Créqui,  Gesvres, et surtout Orléans, la branche cadette des tenants du trône et qui trouve en celui qui allait s'illustrer sous le nom de Philippe Egalité, et n'était encore que duc de Chartres, un des personnages typés de cette classe dominante, éprise de culture et moteur des idées nouvelles (même celles qui allaient précipiter sa chute à travers la Révolution).
Entre salons où l'on refaisait le monde et  "folies" discrètes mais somptueuses, sorte de garçonnières campagnardes,  allait se développer l'art des jardins anglais. Ainsi allait naître la Folie Monceau.
Ne reculant devant aucun sacrifice et assuré d'en pouvoir assumer la réalisation, le jeune seigneur va confier à Carmontelle, et Hubert Robert le soin de créer un  lieu à la fois de plaisir et de réflexion. Caractéristique de ces nouveaux jardins : ils célèbrent la philosophie en lui dédiant des temples à la manière antique, et  inventent des bosquets galants. C'est, sous les frais ombrages, la rencontre de Watteau et de Jean Jacques Rousseau.
Bien plus grand qu'il est aujourd'hui, le parc était déjà parsemé de ces références architecturales qui évoquent la fragilité du temps, la référence du passé, la mélancolie des destins et s'inscrivent dans une iconographie plus ou moins ésotérique (l'influence de la Franc-Maçonnerie y est évidente).
Il sera diminué lors des spéculations immobilières qu'entraîne le restructuration de Paris sous la houlette tyrannique d'Haussmann. De nouvelles rues, une architecture en qui s'incarne la respectabilité et l'opulence bourgeoise d'une nouvelle société de nantis, va grignoter sur les espaces de verdure. Ainsi né un quartier qui va bientôt être le terrain de chasse de Marcel Proust, stigmatisant une noblesse écartée du pouvoir mais soucieuse de conserver ses rites et son prestige.
Le parc Monceau s'inscrit comme un bijou rare au sein de cette montée de puissance d'une société avide et sans scrupules.
Zola en saura quelque chose qui va faire des abords du parc  le théâtre de ses plus cruelles analyses sociales au sein de la famille des Rougon-Macquart (on a l'aristocratie de l'argent en lieu de place de celle de l'ancien Régime). Dans "la Curée", c'est l'histoire d'Aristide Rougon (dit Saccard), de sa femme Renée, et du  beau fils et amant de celle-ci,  Maxime, le trublion cynique.
Alors le parc se resserre sur lui-même dans sa dignité pincée, les ruines sont une curiosité pour le promeneur et celui-ci, n'a plus avec l'environnement ce rapport savant et passionnel qui fut celui de sa conception, mais posé, pour un temps de détente, dans une idée de luxe tranquille et vénérable.