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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 17-08-2011 à 16:37:24

Lettre aux Amazones 3

Lettre aux Amazones 3

D'un lieu à l'autre le temps a fait son chemin. Chacun change et le ciel de Rome a des douceurs qu'on ignore à Paris. Surtout quand on va le chercher du côté de ce champ de ruines que Piranèse peuplait de moutons, de chèvres excessivement cornues et de silhouettes cousines de celle que Jacques Callot plante au pied des gibets. On ne s'égare pas, sinon que parmi ces temples en loque, ces colonnes remontées comme pour créer un décor d'opéra, il circule un calendrier qui joue à saute mouton sur le temps, et les figures des figurants (sont-ils figés ?) n'habitent pas leurs habits. Elles sont ce qu'on en fait. Descendues chacune d'une histoire qui leur est propre. Osera-t-on les mêler, provoquer un choc des mots qui recréer le chaos qu'ils ont pour mission d'organiser.
On cherche Polia dans la foule. D'abord elle n'aime pas son nom, ce qui risque de l'éloigner d'une histoire qui n'est pas tout à fait la sienne. Est-ce  que l'on  peut impunément se glisser dans uns histoire qui nous est étrangère. On y serait l'intrus. Qu'on est déjà, souvent, étranger à sa propre histoire.
Polia,  elle , n'est jamais là où on l'attend. Elle est le mouvement.
On la rencontre dans les trains internationaux, traînant des valises à roulettes qui sautillent sur le sol.
Les parents sont oubliés. Quelques années sans doute, quand la fillette devient femme, ou presque, et qu'elle exagère vraiment l'idée (précoce) qu'elle s'en fait.
Elle s'exagère ce qu'elle veut être, et ne sera jamais tout à fait son rêve
Flamboyante de tous ses rêves, et en équilibre sur des talons prématurés vertiginueux quand ils complètent la silhouette d'une femme qui a vécue. Dont on dit, en la voyant, qu'elle est d'expérience, sûre d'elle, sans doute, au lit, trop savante pour être sincère.
Il était venu pour l'innocence furtive lue sur un visage, allait-il trouver la formule standard un rien cynique qui accompagne une trop éclatante beauté.
Le temps a passé, des incidents de toutes natures ont bousculé l'itinéraire qu'il croyait tracé par le seul élan de l'amour.
Comme si, de même qu'une machine pourtant bien pensée pour l'accomplissement des missions qu'on veut lui confier, ne se met en marche qu'avec peine, et la désolation est le prix de bien des cheminements. Surtout si l'amour en est l'enjeu.
Rome, se dit-il est la ville de toutes les crapuleries. Il erra dans de sordides quartiers, ceux-là même que fréquentait Messaline quand elle cherchait le plaisir et ne le trouvait que dans l'ignominie des enlacements suspects voire scandaleux.
Ce qu'une impératrice égarée par ses sens n'atteint pas, un inconnu, portant les habits d'un autre pays, aura-il le pouvoir de le conjurer. L'innocence souvent ouvre des portes qu'on ne franchi croit-t-on qu'en usant de savants stratagèmes.