VEF Blog

Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 19-08-2011 à 16:32:01

Lettre aux Amazones 2

Lettres aux amazones.

C'est Valentin qui parle.
- Voilà comme je les aime. Effilées et sveltes, on les voit sur de hauts talons filer sur la pavé quand moi, ainsi chaussé, je m'y étalerais. Rapides elles sont, comme si elles allaient à un rendez vous d'amour ( ce qui, dans bien des cas, doit être la réalité) mais je gage qu'elles sont aussi rapides quand elles vont au bureau.
C'est qu'il y a l'enfant à déposer à la crèche, les courses à faire, la vie d'une femme d'aujourd'hui n'est pas de tout repos. Il suffit de lire les magazines dont elle se tourne la tête pour savoir qu'en plus elle doit être belle et plaire.
Du talon passons à la chaussure elle-même. Remarquons qu'il y a plus de bottillons et autres variantes de bottes pour maintenir la simple chaussure dans le goût forcé de souligner sa féminité.
Et parmi les bottes ma préférence va à la cuissarde. Explication esthétique.
Enserrée dans le cuir (qui doit être soyeux, bien enveloppant) la jambe prend des allures irréelles, et comme relevant de quelque contrée  merveilleuse où l'être humain emprunte aux autres espèces ce qu'elles ont de meilleur. Une agileté, une souplesse, une finesse, que l'espace humaine n'a pas, d'office. Et que d'efforts, de volonté pour y parvenir. Les salles de gymnastique sont pleines de postulants d'une esthétique qui épouse les modes, les modèles, les mythes d'une femme toute en souplesse et en ardeur, et si loin des anges que l'on a toujours représentés dodus et quelque peu niais.
Alors ainsi cuissardée la femme qui bat le pavé de son allure ailée entraîne le regard du passant vers quelque rêve que chacun orne à sa façon. Il y a l'expéditif (un rien vulgaire) qui va droit au but,  et ouvre déjà le lit (encore qu'il est capable de se contenter du premier fossé), il y a le romantique, qui incarne la femme ainsi chaussée, comme un être à gagner par un processus lent et mystérieux, par une succession d'attentions, d'approches délicates où tous les atouts dont il dispose sont mis à contribution. Le regard de chacun s'égare dans son domaine de prédilection entraînant la femme ainsi passante admirable, comme compagne d'un merveilleux voyage en des jardins de délice. Chacun a sa vision de Cythère.
Ce fut un ballet de robes de soies vives de couleurs qui bruissaient doucement au vent marin, ce sera une cavalcade de ces nouvelles amazones, sûr que derrière cette carapace qui semble les isoler tout en les divinisant, des coeurs ne demandent qu'à battre. Le spectateur sera invité à la fête.
En se promenant dans le parc de Versailles M.C. qui y fit ses classes buissonnières, invitait ses amis à de longues promenades à bicyclette (on pouvait les louer dans un retrait camouflé derrière le Petit Trianon). Chevauchant un cadre d'acier étincellent elle montrait le chemin. C'était une étrange aventure dans un paysage qui n'avait plus rien de ces rigueurs inspirées par le jardinier Le Notre, et une fois, la nuit surprit les imprudents  promeneurs aux abords du Grand Canal. De l'ombre surgissaient des silhouettes gainées de ce cuir luisant qu'affichent les motards. Versailles livré à une armée venue des bandes dessinées.