Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 22-08-2011 à 14:23:03
Les paradoxes de Baudelaire.
Enfant illégitime d'un petit seigneur de province, Apollonie Sabatier (du nom de son père adoptif), qui se faisait appeler Aglaé, vient à Paris faire carrière dans la galanterie. Mais, tenant salon littéraire rue Frochot (alors haut lieu de la vie parisienne entre Pigalle et les Grands Boulevards), elle fut louée, courtisée, adulée, par Maxime du Camp, Gustave Flaubert, Arsène Houssaye, Théophile Gautier, Goncourt, et Clésinger qui en fit le modèle de "La femme piquée par un serpent".
Il est dit, mais sans preuve tangible, qu'elle aurait aussi été le modèle de la toile de Courbet "La création du monde" devenue une sorte d'emblème de la peinture érotique.
Ses rapports avec Baudelaire sont particulièrement significatifs quant à l'attitude du poète vis à vis des femmes. On sait combien il est attiré (ses poèmes en témoignent) pas les femmes "perdues", soit par leurs moeurs dissolues, soit par l'âge (les petites vieilles dans "Les Fleurs du Mal"), des éclopées, toute femme en perdition morale ou physique.
Madame Sabatier (surnommée la "présidente" après une remarque d'Edmond de Goncourt) séduira pourtant Baudelaire en dépit de son "abattage", et il lui envoyait anonymement des poèmes, jusqu'à finir par se déclarer.
Ils devinrent amant en 1857 (la nuit du 30 août). L'attitude de Baudelaire est alors significative. L'amour qu'il portait à Madame Sabatier n'était pas charnel. Il l'avait idéalisée. Qu'elle se donne à lui (croyant ainsi le séduire et répondre à ses envolées poétiques) détruit la figure que le poète s'était fait d'elle. Il la refusa et lui tourna dès lors le dos.
L'aventure illustre bien la complexité de la mécanique sentimentale chez Baudelaire qui fut attaché (jusqu'au dévouement) à Jeanne Duval, qu'il avait connu dans son flamboiement juvénile et à laquelle il reste dévoué jusque dans sa décrépitude finale (voir l'incroyable portrait de Manet).