Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 23-08-2011 à 15:59:49
Max Ernst dans la forêt.
Le douanier Rousseau élevait des sortes de rideaux végétaux qui étaient en même temps le cadre de quelques chasses assez molles où les fauves pourchassés prenaient des attitudes de trophées avant l'heure : déjà statufiés avant que le coup de lance ou la balle d'un fusil aient blessés leur robe fauve.
S'il dressait une forêt, fut-elle magique, Henri Rousseau l'imaginait peuplée d'yeux et de souffle étranges, le danger y flottait comme porté par l'imaginaire que l'on s'en fait quand on l'aborde.
Max Ernst est passé par là. La forêt, subitement, s'est mise en transe. Les végétations immobiles chez Rousseau (si proches du simple décor de théâtre pour une pièce de Raymond Roussel) ploient sous une tempête que l'on devine, et la peur qu'elle distille n'a plus de figuration précise. Elle est diffuse, et plutôt incarnée par des jeux de métamorphoses qui voient des feuilles se muer en insecte dont on ignore l'identité, en ont-ils seulement une, et c'est de ne pas en avoir qu'ils constituent une menace.
Quand Rousseau peint un lion que l'on devine dans le feuillage. Il a sa tête. Si convenue (car elle sort d'une copie d'un livre de géographie) qu'elle portera plutôt à sourire.
Chez Ernst point d'animaux identifiables, connus, mais le souffle de l'animal qui rôde parmi les plantes, sortant d'elles comme une génération en cours, une mutation lente et irrésistible des genres. Un monde de grouillement lent à peine perceptible.
Une menace diffuse.
Quand le volupté promise par la forêt s'est transformée en piège qui nous absorbe.