Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
posté le 20-09-2011 à 11:42:05
La stupeur de Chirico.
C'est à une bien étrange disposition à se fixer dans notre mémoire du jour où on la découvre que se distingue l'oeuvre de Chirico.
J'en fus témoin la découvrant à travers un très mince ouvrage en italien (offrant quelques reproductions de ses toiles les plus typées), déniché dans une librairie de la rue Bonaparte, quasiment en face de l'Ecole des Beaux-Arts (ce qui ne manque pas de sel) lors d'une promenade nonchalante. Et c'est toujours sous l'effet de la surprise qu'elle s'impose à nous.
Des exemples "historiques" ? Ce que raconte Yves Tanguy, étant sur la plate forme arrière d'un autobus (quand cela existait), rue de la Boétie, et voyant comme dans un flash une étrange petite toile à la vitrine d'une galerie d'art. Si vivement interpellé par la chose qu'il saute sur la chaussée et se dirige vers l'objet dont il sentait l'appel vibrant. C'était une idée de ville, résumée à quelques formes essentielles, dans un éclairage de biais, et violent. Et l'ombre de monuments que l'on ne voyait pas, et qui suggérait une puissance inquiétante. Renseignement pris il s'agissait d'un Chirico (alors peu connu).
André Pieyre de Mandiargues raconte une histoire très voisine : "Je n'avais pas beaucoup plus de seize ans, je crois, quand Henri Cartier-Bresson me montra, dans la vitrine d'une galerie qui devait se trouver au coin de la rue La Boétie et de l'avenue Percier, un étrange petit tableau de forme allongée où des corps géométriques s'appuyaient les uns sur les autres et se répondaient dans une sorte de perfection mystérieuse. Mieux que de notes, j'ai dans la mémoire encore les couleurs qui composaient cette harmonie silencieuse ce concert plastique, figé, dans une pureté froide telle qu'on l'aurait imaginée à la surface d'un monde privé d'atmosphère"
Même stupeur d'être en présence d'un monde "autre", qui n'a, du notre, que des apparences et joue sur la théâtralité des formes. Propulse notre réalité dans un éclairage qui le dématérialise et lui confère un mystère qui nous plonge dans la stupeur.