posté le 14-06-2008 à 14:45:41
Sous le porche.
Ne sont pas rares, dans l'encoignure des porches des églises, ces mains tendues dont on s'aperçoit qu'elles appartiennent à des femmes maigres et drapées de tissus informes comme on en voit dans les peintures de la période bleue de Picasso (elles viennent de l'Est et orthographient approximativement leurs besoins mais l'enfant est toujours l'alibi) et des hommes chevelus qui préfèrent nettement le chien comme complice de leur désarroi. J'ai pensé subitement à Germain Nouveau, ce fils de sous-préfet, venu faire la noce à Paris, fuguant avec Rimbaud jusqu'à Londres, se saoulant avec Verlaine aux terrasses du boul'mich à Paris et retournant dans son village du Var, réduit à l'état de mendiant poussé à la fois par une volonté d'ascèse et un repli sur soi qui est suicidaire. La légende veut que Cézanne, sortant de la messe, lui aurait "donné la pièce". Rencontre insolite de deux forces camouflées dans l'anonymat : ici du bourgeois bougon, là du mendiant qu'on ne regarde pas, ou avec une sorte de crainte comme si on se reconnaissait en lui, s'identifiant à un destin qui nous menace.
G.. m'a raconté l'histoire d'un mendiant que sa très jeune fille, revenant de l'école de son quartier, avait ramené "à la maison" lors d'une de ses absences. Poussée à la fois par la pitié et une malsaine curiosité, elle avait installé un homme dont elle ne connaissait rien dans le lit de sa mère. Il y pris ses aises, y devient exigeant (il faut se souvenir de "Boudu sauvé des eaux", cet admirable film de Jean Renoir) et il manqua de peu que la mère revenue fut interdite de reprendre possession de son domaine, l'inconnu s'y étant incrusté d'agressive manière.
Commentaires
je crois que c'est la rue Saint-Sulpice où l'on voit gravé dans la pierre l'ancien nom de la rue : Rue des Aveugles.