posté le 18-06-2008 à 15:56:30
Pour un musée lapidaire.
C'était un grand père qu'on eut dit sorti d'une bande dessinée, ou de l'un de ces livres qui, au XIX° siècle, vantaient les mérites de la colonisation et imposaient des militaires à l'allure martiale mais aux objectifs humains. C'était quand la France exportait ses valeurs et ses codes sociaux. Mais Napoléon n'a-t-il pas fait de même quand, au fil de l'épée, il veut mettre l'Europe sous le couvert de sa gloire et des idées de la Révolution dont il se fait l'ambassadeur.
Je l'ai toujours connu ( et un peu redouté) que sanglé dans un uniforme d'un blanc impeccable, portant pour un oui ou pour un non un casque colonial ( sous le ciel de l'Ile de France ça ne manquait pas de saveur!) Ayant participé à la reconquête du Chemin des Dames il achète, au soir de sa vie, une poignée de maisons en ruine autour de ce qui fut le chai d'un couvent voisin. D'où, dans le lot, des caves voûtées qui se succédaient, s'entrecroisaient, constituaient un étonnant labyrinthe où notre enfance découvrait les mystères des légendes attachées aux souterrains, et se nourrissait d'Histoire car, plutôt que des souvenirs de campagnes lointaines, ce grand-père préférait nous abreuver de récits développés à partir de nos livres d'Histoire. A ce goût culturel plutôt louable s'ajoutait celui des vieilles pierres qu'il collectionnait avec ferveur. Sans craindre d'aller faire quelques emprunts contestables sur des champs de ruines de monuments historiques, nombreux dans la région, et pour la plupart menacés d'un retour à la sauvagerie d'une nature qui les envahissait. Abbayes, châteaux et domaines agricoles abandonnés livraient des monceaux de pierres ouvragées, qu'il disposait avec amour au milieu de son jardin et jusque dans le potager. (Cela me rappelle la collection de sculptures de ses amis artistes Arp, Giacometti, Brancusi, que Max Ernst disposait parmi ses salades et ses plans de tomates dans sa propriété d'Huismes, proche de Tours).
Avec le goût des souterrains (d'où mon amour pour la tour de Monthlery qui a fasciné mon enfance) ce grand-père somme toute pittoresque m'aura donné celui des vieilles pierres. J'ai d'ailleurs conservé quelques unes de celles qu'il avait assemblé, les transportant de lieu en lieu, comme des reliques d'une enfance placée sous d'aussi bizarres manies.