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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 30-06-2008 à 11:43:13

Le bizarre Raymond Roussel.

Roussel en toutes lettres.

Un visiteur attendant "le maître" s'étonne du bruit de pas nerveux que l'on entend à l'étage. Le maître d'hôtel très stylé, pour le faire patienter, de préciser :
 - C'est monsieur qui corrige son style.
La scène pourrait être inventée, elle a tout pour plaire dans son comique un peu pincé qui est bien dans l'art et la manière de Raymond Roussel même si, cette fois ci, il s'agit sans doute de lui, et qu'il est le personnage d'une scène qu'il aurait pu inventer..
L'homme dans son étrangeté se préparait à devenir une légende. Le voulait-Il ?
Les surréalistes l'adoraient. C'est Robert Desnos qui, au théâtre, applaudissant avec force une pièce de Roussel, se faisant qualifier de "claque", d'en donner une à l'insulteur, et d'ajouter - Et vous, vous êtes la joue.
Mais celui qui approchera le plus l'auteur de tant de livres d'une construction aussi folle que conduite avec sa logique, c'est bien Michel Leiris dont le père était l'agent financier de Roussel par ailleurs fort riche (dit-on !).
Coïncidence familiale mais, plus encore, rencontre au niveau du mot, dont l'un et l'autre tente d'extirper la vérité. Allant au fond de sa signification, le dénudant pour l'offrir dans sa force première, souvent déconcertante.
Jeux de mots, jeux de l'esprit, et le récit progresse tant bien que mal sur ces étranges béquilles que sont les mots dépouillés de leurs habitudes, détachés des habitudes que nous avons de les concevoir.
Ce qui est paradoxal, c'est que pour conduire cette sarabande de mots dépoussiérés Roussel fait le choix d'anecdotes éculées, d'un charme désuet, dans la tradition de la littérature enfantine (et colonialiste) dont il avait été grand consommateur.
J'ai souvenir d'un poète venu des îles me semble-t-il, (Jean Chatard), grand amateur de Roussel, qui avait rencontré ses descendants (de biais, lui-même étrant mort sans enfant). Il en avait tiré un portrait à la fois puéril et pathétique. L'homme si savant pour décortiquer les mots comme un fruit dont on trouve la gangue, se conduisait d'une manière puérile et vaguement snob dans la vie quotidienne.