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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 07-07-2008 à 16:14:55

Premiers propos sur la forêt.

La Magie de la forêt.

Pénétrer dans une forêt (surtout lorsque les arbres sont immenses et l'ombre intense) est un  acte magique. On s'empare d'un domaine vierge qui s'est laissé gagner par la nuit.
C'est de la permanence des ombres qu'elle entretient qu'une forêt peut revendiquer une virginité qu'elle perdra aux agressions de la lumière, signe avant coureur de l'intrusion humaine. Le soleil est, dans sa quiétude ombrée, une blessure dans sa chair végétale.
S'y glisser, non sans risque, c'est, à sa manière, violer un espace que l'on a, pour conjurer les terreurs qu'elle suscite, sacralisé.
Dans les premiers âges on y célébrait les réunions sacrificielles. On s'y pénétrait de la grandeur insondable des forces qui nous gouvernent, et on peuplait cet espace nocturne des divinités propres à en maîtriser les forces alors que l'on y entretenait de mémoire rapportée de génération en génération, la prééminence de monstres qui s'y tenaient à l'affût, prêts à fondre sur tout visiteur impétueux ou imprudent.
Les images de terreur pullulent qui peuplent les halliers surtout fréquentés par l'enfance de menaces incarnées par des animaux. Elle y rencontre le loup, elle y trouve aussi, pour les plus acharnés à poursuivre le fil de leurs rêves fertilisants, les clairières magiques et la splendeur délabrée de châteaux cachés, avec leurs belles endormies.
Gustave Doré s'est glissé derrière Altdorfer. La puissance végétale est une prison autant qu'une tentation. Un piège.
C'est le labyrinthe. Une figure de l'enfermement progressif. Et dont l'issue ne peut qu'être la mort. La forêt touffue qui invite à la pénétration par le jeu des allées que l'on y a creusées, est la version végétale du labyrinthe. L'arbre de la forêt n'a pas de fruits (contrairement à celui du paradis terrestre), ou sauvages.
L'arbre de la forêt est confusément plongé dans une masse qui paraît s'être immobilisée, pétrifiée dans l'étendue du temps. Dans son immensité même la forêt donne l'impression d'une immobilité qui est moins celle de la mort que de l'attente.
(extrait d'un ouvrage en préparation : "Le ministère des forêts")
Avec le thème du Petit Poucet  Gustave Doré offre un sujet de réflexion pour toute personne qui s'engage dans l'écriture. Celle-ci, incarnée dans le Petit Poucet ,n'est-elle pas une manière (fragile et peut-être dérisoire) de laisser des traces de son passage sur le chemin de la vie qui nous mène vers l'inconnu.