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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 18-07-2008 à 11:37:06

Coup d'oeil sur le faubourg Poissonnière.

C'était, là, quand Louis XIV festoyait à Versailles, une terre de garenne, une succession  de maisons de galanterie où les grands seigneurs, dorés sur tranche et le coeur endurci par l'orgueil de leur nom, entretenaient de petites danseuses au pied léger et à la main experte. Majestueux, labyrinthique en son développement le magasin de Menus plaisirs, cette caverne d'Ali-Baba où l'on entreposait les ornements des fêtes royales, les décors des opéras, côtoie la galanterie sans complexe. Morcelé aujourd'hui, ici Conservatoire, là salle de théâtre, il s'est noyé dans le tohu-bohu du faubourg Poissonnière qui n'est plus la voie du poisson frais venu de Boulogne mais celle des fourreurs qui ont encore l'accent d'Europe Centrale et affichent avec une fière ostentation  leur condition juive : une revanche sur une douleur.
Henri Heine (est-ce une légende ?), habitait l'endroit quand Gérard de Nerval lui rendait visite pour des affaires de traduction. Et Kafka s'est étonné, en se rendant sur les Grands boulevards, de la présence des marchands ambulants qui vantaient leur marchandise. Aujourd'hui ce sont des sans abris (sans papiers ?) qui cherchent les sources de chaleur pour dormir tandis qu'au Mac Donalds, qui a pris place de ce qui fut le siège des Lettres Françaises (je vois encore Aragon franchissant le seuil de l'immeuble pour gagner sa voiture avec chauffeur qui l'attendait près de l'abri-bus) des banlieusards en goguette s'échauffent avant de s'engouffrer dans le Grand Rex qui affiche un concert branché.
Ainsi va, à la dérive, un lieu qui a ses attaches dans notre mémoire.