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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 08-08-2008 à 16:47:28

Jacques Brenner au Flore.

Il avait benoîtement franchi la porte du Soleil dans la tête. De taille moyenne, mais arrondi par un penchant naturel et sans doute un goût prononcé pour la table Jacques Brenner offrait alors l'image du puissant manipulateur dont le monde de l'édition se targuait d'utiliser les dons de voyance pour dénicher les jeune talents.
Il usait de la pipe comme d'autres se servent d'un crayon pour se donner une contenance, peut-être désigner l'objet subit de leur curiosité toujours en éveil. Car en dépit de sa jeune corpulence Brenner dégageait une impression d'agilité. Du moins était-elle intellectuelle. Il y avait aussi beaucoup de jeunesse dans son sourire. Et un rien de malice. Nous fûmes, sur son invite, de concert, vers le Flore qui était son quartier général. On s'installe à la table de Francis Ponge. Présentation (je suis rien, l'inconnu) il incarne pour moi une certaine force de la poésie qui se cherchait alors, dans l'insistance du regard (en profondeur) une approche de la réalité (de l'objet) qui passait par la rêverie à laquelle nous avait familiarisé Gaston Bachelard. Avec quelque chose de plus aigu, de plus énigmatique aussi. Un rien de singularité qui pouvait être une forme délicate d'humour. Mais, s'hiverner dans l'objet, c'est aussi se découvrir.
Il y eut une courte escale chez Julliard (rue de l'Université) qui avait le front de s'installer juste en face de l'empire Gallimard. Mais la couverture à l'encadrement d'un vert tonique avait alors la cote chez les libraires.
Un texte fort court, et sans doute peu recommandable, fut soumis à un prestigieux lecteur de la maison (c'était, je crois me souvenir, Christian Bourgois qui a depuis fondé la collection "10/18"). Un refus intempestif devait me remettre à ma place. C'est ainsi que, parfois, sous les meilleurs ailes, on est mouillé.