VEF Blog

Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 19-08-2008 à 17:38:48

La patience de l'arbre.

Encore une proposition pour un jardin.

Ou on le conçoit, l'ayant rêvé, alors il faut se mettre au rythme de la fleur, disposé à la patiente devant la majesté à venir de l'arbre.  Mais on s'en fait un puissant et fidèle compagnon.
Ou on en hérite. On le découvre, le désire et s'y glisse l'ayant enfin à soi. C'est la rencontre qui nous épargne les longues attentes, et excuse l'impatience, peut-être la favorise. Le travail n'est plus celui de la création (abstraite) à partir du plan.
Un jardin peut naître d'abord sur un papier. J'imagine le bon Le Notre présentant ses plans à l'impérieux Louis XIV, et voilà, déployée sur parchemin, la splendeur végétale et aquatique que nous promet le génie du grand homme, la prodigalité du roi fastueux.
Le jardin découvert, c'est celui d'un rêve enfin vécu, on le reconnaît. on l'attendait (comme le grand amour). Souvent on y retrouve son enfance. Combien d'enfances se sont nourries, façonnées à l'ombre d'un jardin touffu (comme on dit dans les annonces : arboré). Alors sa richesse se confond avec sa densité. C'est à la mesure des caches qu'il propose, des circuits qu'il s'invente, qu'il nous donne l'illusion de l'aventure. En est le cadre. D'aventures à notre mesure.
Les rapports avec lui ne sont plus de l'ordre du temps, mais de la longue rêverie qu'il favorise, dont il est aussi le cadre. On s'immerge en lui comme en eaux profondes. Il a ses profondeurs abyssales. Ses menaces aussi. Il rejoint le mystère de la forêt, le caractère impénétrable des hêtraies médiévales. On s'émerveille de l'âge de l'arbre comme si de tant d'années sa présence lui donnait le prestige de la mémoire. Celle des saisons, des éléments qui se sont déchaînés sur lui, le sculptant parfois. Il n'y a pas de plus émouvante aventure végétale que celle de l'arbre que le vent à fait fléchir, comme l'âge courbe l'homme le plus vaillant
Toute épopée ne passe-t-elle pas par la forêt. On risque d'y rencontrer le loup, on a la chance d' y réveiller une princesse endormie.