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Titre du blog : lettres de la campagne
Auteur : sorel
Date de création : 17-05-2008
 
posté le 21-08-2008 à 15:51:24

Bruno Schultz au coeur de sa ville : Drohobycz

La ville noyau d'une oeuvre.

On ne peut comprendre James Joyce sans Dubin ou Kafka sans Prague. Ce sont des villes qui façonnent ceux qui en font le terreau de leur oeuvre. Pour Bruno Schultz c'est Drohobycz, un nom étrange à nos oreilles, et presque indéchiffrable à nos yeux. Réel pourtant, là bas, aux confins de la Pologne (aujourd'hui en Ukraine)  où Bruno Schultz va naître en 1893, dans un milieu petit bourgeois et où il va mourir sous les balles d'un barbare nazi en 1942. Personnage étrange, qui se dessine difforme, car il est aussi dessinateur (professeur de dessin dans sa ville natale), et laisse une oeuvre littéraire mince mais saisissante.
Drohobycz en toile de fond. et sa famille avec la figure dominante du Père (une sorte de foudre bavarde que l'on dirait sortie de la Bible) et des femmes tentatrices qui ridiculisent les hommes et les mettent à leurs pieds. Il y a un côté masochiste chez Schultz, avec une grandiloquence, une théâtralité qui font toute la splendeur de cette prose chatoyante, ourlée de fantaisie et plongeant dans les émois de l'inconscient. Baroque mais expressionniste aussi. Forçant le trait, multipliant les références naturalistes, les  passages vertigineux d'une forme à une autre, dans un jeu constant de métamorphoses.
La ville en ses variations climatiques, les lourdes chaleurs du plein été, les nuits constellées d'étoiles et la neige, le neige omniprésente, qui dessine ses calligraphies, ourle ses ondoiements, tant on passe promptement d'un règne à un autre, dans un monde halluciné et tentateur.
"Les Boutiques de Cannelle" est une série de petits textes que relie un fil conducteur tenu par un Père omniprésent et surtout Drohobycz avec son architecture que l'on dirait inventée par Chagall.